07 février 2025

≡ En Parlant De La Beauté…


On entend toujours dire : «Ce qui importe, ce n’est pas la beauté extérieure, mais la beauté intérieure.» Eh bien, rien n’est plus faux que cette phrase.



Si c’était le cas, pourquoi les fleurs feraient-elles tant d’efforts pour attirer l’attention des abeilles ?


Et pourquoi les gouttes de pluie se transformeraient-elles en arc-en-ciel quand elles rencontrent le soleil ?


Parce que la nature désire ardemment la beauté. Et elle n’est satisfaite que lorsqu’elle peut être exaltée. La beauté extérieure est la partie visible de la beauté intérieure. Et elle se manifeste par la lumière qui se dégage des yeux de chacun. Peu importe que la personne soit mal habillée, qu’elle n’obéisse pas aux critères de ce que nous considérons comme élégant ou qu’elle ne se soucie même pas d’impressionner son entourage. 


Les yeux sont le miroir de l’âme et ils reflètent tout ce qui semble caché.


Mais, outre le pouvoir de briller, les yeux ont une autre qualité : ils fonctionnent comme un miroir. Et ils reflètent celui qui les admire. Ainsi, si l’âme de celui qui observe est noire, il verra toujours sa propre laideur. Comme tout miroir, les yeux renvoient à chacun de nous le reflet de son propre visage.


La beauté est présente dans tout ce qui est créé. Mais le danger réside dans le fait qu’en tant qu’êtres humains très souvent éloignés de l’Énergie Divine, nous nous laissons entraîner par le jugement d’autrui. Nous nions notre propre beauté parce que les autres ne peuvent pas, ou ne veulent pas, la reconnaître. 


Au lieu d’accepter ce que nous sommes, nous voulons imiter ce que nous voyons autour de nous.


Nous cherchons à ressembler à ceux dont tout le monde dit : «Qu’il est beau !» Petit à petit, notre âme dépérit, notre volonté diminue, et tout le potentiel que nous avions pour embellir le monde cesse d’exister.


Nous oublions que le monde est tel que nous l’imaginons. Nous n’avons plus la clarté de la lune et nous devenons la flaque d’eau qui la reflète. Le lendemain, le soleil évaporera cette eau, et il n’en restera rien.


Tout cela parce qu’un jour, quelqu’un a dit : «Tu es laid.» Ou bien un autre a déclaré : «Elle est jolie.» Avec trois mots, ils ont pu voler toute la confiance que nous avions en nous-mêmes. Et cela nous rend laids. Et cela nous laisse amers.


À ce moment-là, nous trouvons du réconfort dans ce que l’on appelle «sagesse» : une masse d’idées empaquetées par des gens qui veulent définir le monde, au lieu de respecter le mystère de la vie. Il y a là les règles, les règlements, les mesures, et tout un bagage absolument inutile qui cherchent à établir un modèle de comportement. 


La fausse sagesse paraît dire : ne vous souciez pas de la beauté, parce qu’elle est superficielle et éphémère. Ce n’est pas vrai. Tous les êtres créés sous le soleil, des oiseaux aux montagnes, des fleurs aux fleuves, reflètent la merveille de la Création.


Si nous résistons à la tentation d’accepter que d’autres puissent définir ce que nous sommes, alors, peu à peu nous saurons faire luire le soleil qui habite notre âme.


L’Amour passe près de nous et dit : «Je n’avais jamais remarqué ta présence.» Et notre âme répond : «Sois plus attentif, parce que je suis là. Il a fallu qu’un coup de vent retire la poussière de tes yeux, mais, maintenant que tu m’as reconnue, ne m’abandonne pas de nouveau, car tout le monde convoite la beauté.»


Le beau ne réside pas dans l’égalité, mais dans la différence. 


On ne peut pas imaginer une girafe sans long cou ou un cactus sans épines. C’est l’irrégularité des pics des montagnes qui nous entourent qui les rend imposantes. Si la main de l’homme tentait de leur donner la même forme à toutes, elles n’inspireraient plus le respect. C’est justement ce qui paraît imparfait qui nous étonne et nous attire. 


Quand nous regardons un cèdre, nous ne pensons pas que les branches devraient avoir toutes la même taille.

Nous pensons : «Il est robuste.»


Quand nous voyons un serpent, nous ne disons jamais : «Il rampe sur le sol, alors que moi, je marche la tête haute.»

Nous pensons : «Bien qu’il soit petit, sa peau est de plusieurs couleurs, son mouvement élégant, et il est plus puissant que moi.»


Quand le chameau traverse le désert et nous porte là où nous voulons aller, nous ne disons jamais : «Il a des bosses et ses dents sont affreuses.» 

Nous pensons : «Il est digne de mon amour pour sa loyauté et l’aide qu’il m’offre. Sans lui, je ne pourrais jamais connaître le monde.»


Un coucher de soleil est toujours plus beau quand le ciel est couvert de nuages irréguliers, parce qu’ainsi seulement il peut refléter les nombreuses couleurs dont sont faits les rêves et les vers du poète.


Plaignons ceux qui pensent : «Je ne suis pas beau, parce que l’Amour n’a pas frappé à ma porte.» En réalité, l’Amour a frappé, mais ils n’ont pas ouvert parce qu’ils n’étaient pas préparés à le recevoir.


 Ils tentaient de se faire une beauté, alors qu’en réalité ils étaient déjà prêts.


 Ils tentaient d’imiter les autres, alors que l’Amour cherchait un objet original.


 Ils Voulaient Refléter Ce Qui Venait Du Dehors Et Avaient Oublié La Lumière Plus Vive Qui Venait De L’intérieur.




Extrait De «Le Manuscrit Retrouvé»




Paulo Coelho