05 mars 2025

≡ Retour Sur Soi

Pour Affronter Le Monde Qui S'annonce, Mieux Vaut Fermer Ses Rideaux Et Retourner À Soi.



Quand Le Monde N'a Plus De Sens, Lorsqu'il Nous Étrangle De Trop, Pour Se Protéger, Il Faut Retourner À Soi.



Ce monde donne le vertige.

Où que notre regard se porte, il ne rencontre que désolation, violence, chaos. Tout semble se rompre, céder à des forces obscures qui menacent de tout emporter sur leur passage. Plus rien ne fait sens. Comme si quelque chose s'était brisé, déréglé. À une vitesse fulgurante, le temps s'est accéléré, il galope comme un cheval fou qui s'en irait se jeter du haut d'une falaise sans que rien ne puisse le ramener à la raison.


Des démocraties réputées inoxydables s'enfoncent

Dans la nuit noire du fascisme, du nationalisme, d'un appel à établir un État fondé sur le seul exercice de la force. On a soif de sang, de conquêtes, de mettre la main sur des territoires qui ne vous appartiennent pas, d'annexer par la violence ou le chantage des terres fertiles en minerais et autres ressources naturelles.


La guerre redevient une possibilité.

La guerre totale, la guerre d'autrefois. La guerre qui nous apparaissait appartenir au passé, à nos livres d'histoire, voilà qu'elle tambourine à nouveau à nos portes. On l'entend qui gémit au loin, mais se rapprochant de plus en plus. Le monde a la fièvre. Il renoue avec ses lubies d'antan, lorsque la raison était battue en brèche par les forces brutes de l'instinct.


Chaque jour, nous franchissons une nouvelle étape

Vers l'impensable. Ici et là, on entend des déclarations qui nous glacent le sang. Comme si on était en train de basculer vers un désordre qui ne pouvait aller qu'en s'agrandissant. On se retrouve pris au piège de mécanismes dont on connaît trop bien le fonctionnement, cette lente mais inexorable glissade vers ces meurtrissures susceptibles de plonger l'humanité dans un deuil sans fin.


Ce monde nous déborde, il va bien trop vite

Pour nos esprits poussifs. Tous nos repères ont volé en éclats. On nous annonce un monde dominé par la machine, l'intelligence artificielle et confrontés, à cette perspective, nous restons là, interloqués, comme pris de court. On aimerait pouvoir y réfléchir, mais le temps manque, nous asphyxie, nous mutile. On peine à reprendre notre respiration et quand, malgré tout, nous y parvenons, c'est pour contempler le spectacle des ravages causés par le réchauffement climatique, de ces cris d'effroi que la Terre, apeurée comme une bête blessée, nous lance.


Nous ne savons quoi faire.

Nous sommes comme ces naufragés qui, pris au piège de leur cabine, voient les eaux monter sans que rien ne puisse arrêter leur progression. On suffoque. On halète. On prie en silence. Mais quels Dieux invoquer ? Non, nous sommes seuls. Personne ne viendra nous secourir. Le monde nous entraîne dans sa chute, et bien que nous soyons lucides quant à notre avenir, nous ignorons ce qu'il conviendrait d'entreprendre pour empêcher le pire d'advenir.


Cette impuissance nous tue à petit feu.

Comme si nos vies nous échappaient. Nous ne contrôlons plus rien: nous subissons. Nous sommes submergés d'une angoisse qui vient de notre incapacité à influer sur le cours des choses. Spectateurs d'un désastre qui s'annonce, nous assistons, effarés, à l'éclatement de notre monde, à l'effacement de valeurs qui, jusqu'alors nous avaient permis de tracer notre route sans trop de heurts.


Face à cette déconstruction, à cette décomposition généralisée,

Nous n'avons qu'une envie, fermer les rideaux et laisser le monde dériver comme il l'entend. Ne plus se soucier de rien, si ce n'est de notre bien-être. Retrouver le goût premier des choses. Renouer avec la chaude lumière de la poésie, de la musique, de l'intimité des corps qui se donnent l'un à l'autre. Revenir à l'essence de la vie, taire la rumeur du monde pour mieux goûter à notre silence intérieur.


Quand le monde n'a plus de sens,

Lorsqu'il nous étrangle de trop, pour se protéger, il faut retourner à soi. À l'art. À tout ce qui nous émeut et nous élève. À fuir là où plus rien ne peut nous atteindre. À vivre au ralenti, dans cet écoulement de la pensée qui prend le temps de s'énoncer. À renoncer à participer à la rumeur du monde pour mieux entendre son âme palpiter. À fixer ses vertiges au milieu de la volupté du silence. À redevenir celui ou celle qu'on a jamais cessé d'être, un petit-enfant qui a encore le droit de rêver sa vie.



— 26 février 2025



Laurent Sagalovitsch —