仝 Pourquoi Los Angeles, la Cité des Anges, s'appelle-t-elle ainsi?
Depuis quelques jours, Los Angeles porte quelque peu mal son nom. Des manifestations, réprimées avec violence et démesure par le président Donald Trump, ont braqué les projecteurs sur la ville californienne. Oubliées les plages ensoleillées, les collines d'Hollywood et la vie douce : celle que l'on surnomme la Cité des Anges, traduction de son nom espagnol Los Angeles, est aujourd'hui le théâtre d'une bataille politique sans merci, bien loin de son doux surnom christique.
Mais d'où vient, au juste, cette appellation si caractéristique et désormais indissociable de cette mythique métropole de la côte Ouest américaine? Si l'on remonte quelques décennies en arrière, la ville ne portait pas exactement ce nom. Et vous allez le voir : c'est une bonne chose qu'un changement soit advenu!
Notre-Dame la Reine des anges de Portioncule
On ne va pas faire durer le suspense plus longtemps.
Bien avant Los Angeles, la ville s'appelait en fait (prenez une grande respiration)… «El pueblo de Nuestra Señora la Reina de Los Angeles de Porciúncula». Exit, donc, la Cité des Anges, place à «Le village de Notre-Dame la Reine des anges de Portioncule», en bon français. On vous avait prévenus : l'appellation contemporaine est vraiment mieux.
Vous vous en doutez, un pareil nom est un lourd fardeau à porter.
Impossible de le faire tenir sur une enveloppe ou une pancarte. Heureusement, avec le temps, les habitants ont fini par raccourcir quelque peu l'appellation et, paf, seul le «Los Angeles» est resté. Ouf! On est passés à un chouïa de se coltiner une série intitulée «NCIS: El pueblo de Nuestra Señora la Reina de Los Angeles de Porciúncula»… Flop assuré.
C'est bien beau tout ça, mais qui a bien pu avoir une idée pareille : donner ce nom à rallonge à la ville? Comme beaucoup de villes du sud-ouest des États-Unis, c'est aux Espagnols qu'on le doit.
Des colons au soleil
Pendant des millénaires, la région était habitée par les peuples Tongva (aussi appelés Gabrielinos) et Chumash,
Qui vivaient de chasse, de cueillette et de commerce. Plusieurs petits villages autochtones peuplaient ainsi la baie de Los Angeles, décrite pour la première fois en 1542 par le navigateur portugais João Rodrigues Cabrilho, au service de la couronne espagnole. Ce dernier ne tarda pas à baptiser la baie «Bahia de los Fumos», «Baie des Fumées», en référence à la fumée s'échappant des multiples villages locaux.
Ce n'est que deux siècles plus tard que l'histoire s'accélère :
En 1769, une expédition colonisatrice menée par Gaspar de Portolá, accompagnée des missionnaires franciscains Junípero Serra et Juan Crespi, pénètre la région. Ils découvrent alors une large rivière, qu'ils nomment «El Río de Nuestra Señora la Reina de Los Angeles de Porciúncula», en référence à la basilique Sainte-Marie-des-Anges à Assise, en Italie. La Porciúncula étant une petite chapelle où saint François d'Assise, fondateur de l'ordre franciscain, a passé une grande partie de sa vie religieuse.
Si le père Juan Crespi repère rapidement un emplacement propice à l'implantation d'une colonie, il faut attendre 1781 pour que les premières constructions voient le jour, sur ordre du gouverneur de Californie, Felipe de Neve. Petit problème : personne ne veut alors s'y installer.
Le coin, bien que jouissant d'un climat favorable, n'a pas encore la cote qu'on lui connaît et, faute de volontaires, le gouverneur doit recruter 44 colons de Sinaloa — une zone qui est aujourd'hui un État du nord-ouest du Mexique — dont des Créoles, des mulâtres et des Noirs.
Des pionniers appelés Los Pobladores, qui fondent officiellement le village El pueblo de Nuestra Señora la Reina de Los Angeles de Porciúncula, le 4 septembre 1781. Une croix commémorative, sur le site de l'actuelle Olvera Street, cœur historique de L. A., rappelle encore aujourd'hui cet événement.
Une ascension fulgurante… et un changement de nom
En 1820, le pueblo n'est qu'un petit village en bord de rivière et atteint difficilement les 650 habitants. Personne ne peut le placer sur une carte et ça tombe bien, vu son nom si compliqué.
En quelques années, la ville jongle entre les influences :
En 1822, la Californie passe sous domination mexicaine après l'indépendance du Mexique, puis bascule du côté des États-Unis en 1848, à l'issue de la guerre américano-mexicaine.
En 1850, Los Angeles, que l'on appelle désormais ainsi, devient la capitale du comté du même nom et entre officiellement dans l'Union. Son ascension commence véritablement.
Le petit bourg de l'ouest est d'abord rattaché au reste du pays grâce au chemin de fer, en 1876. Son industrie agricole, notamment les agrumes, commence à lui faire un nom jusqu'à la côte Est, avant que la découverte de pétrole puis la naissance d'Hollywood ne propulsent sa notoriété et son influence.
Aujourd'hui, Los Angeles est une mosaïque urbaine composée de près de 19 millions d'habitants dans sa région métropolitaine —La deuxième plus grande des États-Unis.
N'en déplaise à Donald Trump, l'immigration a toujours façonné la ville, de Los Pobladores à sa période contemporaine. Les rafles de migrants orchestrées par son administration n'ont fait que plonger Notre-Dame la Reine des Anges de Portioncule à un tournant de son histoire –et peut-être de celle des États-Unis.
—Lundi 16 juin 2025
—Source documentaire : Slate Fr
■ Ernest Ginot—