10 mai 2019

Je Viens De L’Autre Rive…



Je Suis De Ce Pays Autant Qu’on Puisse L’être… 

Je tiens encore plus chaque jour, à cette terre par les cimetières, les monuments et les empreintes laissées par mes parents et tous ceux qui les ont vus naître et vivre.

Mes Chemins ont le doux parfum mélancolique des merveilleux souvenirs de l’enfance, et de l’adolescence. Dans cette vie d’aujourd’hui, par temps gris, ils sont l’immersion bienfaisante, dans les replis d’une mémoire, enracinée dans la terre du pays perdu.

Si dans ces temps anciens, je pose mes pas, dans ceux des gens de là-bas, par les routes écrasées de soleil et les sentiers brulants, au fil du temps, je revois mon Algérie d’avant, sans renier celle qu’elle est devenue aujourd’hui.

Dans mon imaginaire galopant, au gré de mes pensées vagabondes, les scènes de la vie d’antan s’animent, pêle-mêle les images surgissent, les personnages renaissent, les visages s’éclairent, tout reprend vie dans la belle ville d’Oran… 

Je Revois Mon Quartier Miramar…

À proximité de la rue Moncey où j’habite, et deux voies plus haut, j’aperçois mes deux premières écoles : — la maternelle et la primaire « Jean-Macé ». 

Je descends la grande rue Mirauchaux, je traverse la Place des Victoires, et un peu plus loin en centre-ville, juste derrière la Gare d’autocars de la SOTAC, l’imposante façade du Lycée « Lamoriciére » me fait face. 

Je rejoins maintenant le Boulevard du Front de Mer, et face aux palmiers de l’esplanade, m’apparaît le cours « Descartes » là où j’ai achevé mes dernières études secondaires. 

Mon regard se promène ici et là, à la rencontre de mes enseignants, le visage de mes maîtres et professeurs se forme, les images se font de plus en plus plus précises, il y a là devant moi parmi eux, celui que j’ai respecté et aimé, et celui aussi que je craignais le plus.

La Rue Moncey S’éveille… 

Le proche entourage défile à ma porte, je reconnais mes amis et le rival d’un jour. Dans ma rue, les copains de jeux viennent à ma rencontre, j’entends les voix criardes des voisins; tout ce petit monde renait sous mes yeux éblouis.

Je revois, face à la fenêtre de notre appartement en rez-de-chaussée, le petit terrain vague, et le mur de clôture de l’étrange et vieille villa imposante qui semble sortir de nulle part. Quelques pas après le portail de cette demeure, je redécouvre le grand champ des feux de la Saint-Jean qui égayaient l’été. 

De l’autre côté de la rue, juste au bout, j’aperçois maintenant, les trois grandes fenêtres sombres et profondes de la boulangerie. On s’abritait là, pour être au chaud les soirs d’hiver des fins de semaine. Il me semble percevoir encore, le doux ronronnement du four au travail, je sens sa douce chaleur m’envelopper.

À quelques pas de là, de l’autre côté de la rue, dans le prolongement, il y a aussi, de part et d’autre, deux très grands terrains vagues. Accolé à celui de gauche, juste à l’angle de cette même rue, l’on aperçoit la grande ferronnerie, d’où s’élèvent continuellement chaque jour les cris stridents d’une perceuse et d’une disqueuse, accompagnés des sons plaintifs du fer martelé…

Sensations Et Émotions Se Chevauchent

Parfois, la joie revient, accompagnée de mes espoirs déçus, et de tous les faux tourments que s’invente la jeunesse éphémère. Le ressenti de l’adolescence, l’étonnante époque de l’insouciance, rend à la fois triste et heureux, mais cela laisse toujours en moi des sentiments apaisés, et un espace-temps d’une paix profonde.

Dans les moments sombres, revenir dans l’ancien temps, pour cheminer dans le passé, est d’un grand réconfort; c’est aussi une façon d’être fidèle à sa terre natale, et fier de ses origines, rester l’homme qui n’oubliera jamais, la plus belle époque de son existence. 

Lumière Et Grisaille, Le Voyage Se Poursuit…

Au rythme de mes pas, sur le chemin droit, ou par les sentiers tortueux, dans la tourmente aussi, je songe toujours tristement au pays perdu, ma seule et vraie patrie. 

Dans un questionnement stérile, je cherche encore et toujours le vide à combler en moi. 

Les doutes, l’incertain, et les craintes du devenir se côtoient. 

Seule subsiste une triste certitude, celle de ne jamais pouvoir trouver la consolation, ce refuge qui avant l’ultime voyage, me reconnaîtrait enfin légitime.




Aron O’Raney
Jeudi 9 Mai 2019