Faut-Il Croire Aux Théories Extraterrestres ?
Quand on creuse un peu, le mystère des pyramides devient beaucoup moins… extraterrestre.
L’édification des pyramides d’Égypte constitue l’un des accomplissements architecturaux les plus remarquables de l’Antiquité. L’érection de celles-ci durant l’Ancien Empire égyptien (2686-2181 av. J.-C.) représente l’apogée d’un savoir-faire architectural que peu de sociétés antiques pouvaient se targuer de maîtriser.
La perfection géométrique de ces édifices et leur alignement astronomique a contribué à nourrir les fantasmes autour d’une prétendue intervention d’une espèce extraterrestre dans leur construction à partir du XXᵉ siècle.
Des théories du complot ont alors largement essaimé, portées encore plus fort avec l’avènement du web, et, plus tard, des réseaux sociaux. Transferts de connaissances de la part des aliens aux bâtisseurs, aide technique, pyramides utilisées comme aéroports pour vaisseaux spatiaux, pyramides comme accumulateurs d’énergie cosmique, etc. Qu’en est-il vraiment ?
Analyse archéologique des évolutions architecturales : réfutation empirique des hypothèses extraterrestres
L’étude stratigraphique et chronologique des sépultures pharaoniques met en lumière une progression architecturale documentée, s’étalant sur plusieurs siècles. Les mastabas, pyramides primitives apparues dès la période prédynastique (vers 3 200 av. J.-C.), se caractérisent par leur structure quadrangulaire en briques crues, aux dimensions moyennes de 20 mètres sur 30. Ces édifices, dont les plus anciens spécimens ont été découverts à Saqqarah et Abydos, présentent une superstructure simple recouvrant une chambre funéraire souterraine.
La transition vers l’architecture pyramidale s’est opérée graduellement sous la IIIᵉ dynastie (2 686 - 2 613 av. J.-C.). L’architecte Imhotep, également Grand Prêtre d’Héliopolis et médecin royal, conçut alors pour le pharaon Djéser (2 667- 2 648 av. J.-C.) la première pyramide à degrés de Saqqarah. Cette innovation architecturale majeure, haute de 62,5 mètres, superpose six mastabas de dimensions décroissantes, créant ainsi une structure étagée inédite. Les techniques de construction employées – notamment l’utilisation de pierres taillées en lieu et place des briques crues – témoignent d’une évolution technologique endogène.
L’analyse des pyramides de l’Ancien Empire fut la période de la standardisation des unités de mesure. La coudée royale égyptienne (52,3 cm), divisée en 7 paumes de quatre doigts chacune, constitue l’étalon fondamental. Cette normalisation se reflète dans les proportions de la pyramide de Khéops : sa base carrée mesure exactement 440 coudées de côté, pour une hauteur initiale de 280 coudées. Les études géométriques, menées spécifiquement sur les pyramides de Gizeh (IVᵉ dynastie, 2 613 - 2 494 av. J.-C.), démontrent une maîtrise empirique des rapports mathématiques. L’angle d’inclinaison de 51° 50′ 40″ de la pyramide de Khéops correspond précisément au rapport 14/11, tandis que ses proportions intègrent le nombre d’or (1,618…).
Les techniques de construction ont évolué également de manière progressive. Les blocs calcaires, extraits des carrières de Tourah sur la rive orientale du Nil, étaient acheminés par voie fluviale jusqu’aux chantiers. Des traces archéologiques, notamment à la pyramide inachevée de Sekhemkhet (vers 2648 av. J.-C.), ont prouvé l’utilisation de rampes de construction dont la pente n’excédait pas 8°. Les outils découverts – ciseaux en cuivre durci, maillets en bois d’acacia, équerres en granit – sont tout autant de preuves d’un développement technologique continu, excluant toute rupture inexplicable qui nécessiterait une intervention externe.
Cette progression technique, parfaitement inscrite dans le contexte historique et technologique de l’Ancien Empire, réfute catégoriquement l’hypothèse d’un transfert de connaissances extraterrestres.
≈ Anthropologie des chantiers pharaoniques
Les fouilles archéologiques récentes prouvent que les sites de construction des pyramides étaient le lieu d’une organisation sociale très structurée. L’analyse des vestiges des villages ouvriers de Gizeh a révélé des infrastructures surprenamment élaborées : dortoirs collectifs, ateliers spécialisés, entrepôts à grains et dispensaires médicaux.
Même si de nombreux ouvriers ont trouvé la mort sur ces chantiers, l’étude de leurs squelettes indique une alimentation riche en protéines. Les Égyptiens comprenaient l’importance d’une main-d’œuvre en bonne santé pour mener à bien de tels projets et les Pharaons nourrissaient et logeaient leurs ouvriers. Ces hommes étaient ainsi bien plus que de simples esclaves, mais plutôt des travailleurs qualifiés et bien nourris.
Les papyrus administratifs découverts détaillent un système de rotation du travail optimal : les agriculteurs, libérés des travaux agricoles pendant l’inondation annuelle (de juillet à octobre), constituaient une main-d’œuvre qualifiée de 20 000 à 30 000 personnes. Cette organisation rigoureuse, combinée à des techniques d’ingénierie éprouvées, suffit à expliquer l’édification des pyramides sans aucune intervention d’une quelconque espèce venue de l’espace.
≈ Méthodologie scientifique contre pseudoarchéologie
Les tenants des théories alternatives, notamment Erich von Däniken (auteur du livre Chariots of the Gods) et Graham Hancock, fondent leurs hypothèses sur des observations partielles : l’alignement des pyramides sur l’étoile Polaire (avec une précision de 0,15 degré), la masse des blocs (jusqu’à 70 tonnes) et leur ajustement millimétrique.
La déclaration d’Elon Musk en 2020 illustre la persistance de ces interprétations spéculatives, puisque ce dernier avait alors déclaré sur Twitter : « Les pyramides ont évidemment été construites par des extraterrestres. ». Il suffit de taper les mots clés « aliens+pyramids » sur Google pour tomber sur d’obscurs sites allant dans ce sens-là.
L’archéologie expérimentale démontre pourtant la viabilité des techniques antiques : usage de rampes hélicoïdales externes (pente de 8 %), systèmes de leviers multiplicateurs de force (rapport 1:4), lubrification des surfaces de glissement au limon du Nil. Les technologies contemporaines d’investigations (tomographie par muons, prospection thermographique, modélisation 3D) ont démontré que les méthodes de construction étaient purement humaines.
Une bonne fois pour toutes, aucun extraterrestre n’a jamais été présent pour aider les bâtisseurs dans leur travail. Les architectes égyptiens étaient simplement de purs génies, doués d’une persévérance à toute épreuve et d’une intelligence collective rare. Pourquoi certains persistent à croire en ces théories farfelues ?
Les raisons sont nombreuses : fascination pour des bâtiments hors du commun, désir de l’extraordinaire, etc. En revanche, si l’on devait en retenir une, ce serait celle-ci : il est plus facile d’imaginer que des êtres supérieurs nous ont aidés plutôt que d’admettre que nos ancêtres étaient capables de telles prouesses. Cela porte un nom : l’erreur fondamentale d’attribution. Un biais cognitif qui consiste à surestimer l’influence des facteurs personnels (dans ce cas présent l’intelligence, la technologie supposées des extraterrestres) et à sous-estimer celle des facteurs situationnels lorsqu’on explique un fait (ici, le développement avancé de la civilisation égyptienne). Désolé Mr. Musk, restons sérieux deux minutes !
• Les pyramides égyptiennes sont le résultat d’une progression technologique et architecturale impressionnante, entièrement humaine.
• Les preuves archéologiques et historiques démontrent une organisation sociale et des techniques ingénieuses sans intervention externe.
• Les théories extraterrestres reposent sur des interprétations erronées et sont totalement réfutées par les analyses scientifiques.
— Dimanche 15 décembre 2024
■ Camille Coirault —