« Vous Savez, On M’a Dit Que J’étais L’élève D’un Certain Maître, Commença-T-Il. Croyez-Vous Que Je Le Sois ? J’aimerais Bien Savoir Ce Que Vous En Pensez. Je Fais Partie D’une Société Dont Vous Avez Certainement Entendu Parler, Et Les Chefs Qui Représentent À L’extérieur Les Chefs Secrets Ou Maîtres M’ont Dit Que, Pour Les Services Que J’avais Rendus À La Société, On M’avait Admis En Qualité D’apprenti. Et On M’a Dit Que Je Pourrai Peut-Être Devenir Un Jour Un Initié Du Premier Degré. »
➤ Il Prenait Cela Très Au Sérieux, Et Nous En Parlâmes Longuement.
• Une récompense est toujours agréable, surtout une récompense d'ordre soi-disant spirituel, pour celui qui ne recherche pas les honneurs de ce monde.
• Ou encore, pour celui qui réussit mal dans ce monde, il est agréable d'appartenir à un groupe et d'être choisi par quelqu'un que l'on tient pour un personnage d'une haute valeur spirituelle ; il est agréable de travailler avec d'autres pour une noble cause, et il est juste que l'on soit récompensé pour les services rendus.
• Et s'il ne s'agit pas d'une récompense au sens étroit du mot, c'est la reconnaissance de son avancement dans l'ordre spirituel ; où, s'il s'agit d'une organisation bien menée, on reconnaît que vous avez bien travaillé afin de vous inciter à faire mieux.
• Dans un monde où la réussite tient lieu de valeur morale, ce genre de satisfactions personnelles est sous-entendu et encouragé. Mais s'entendre dire par quelqu'un qu'on est l'élève d'un maître, ou s'estimer tel, conduit évidemment aux formes les plus laides de l'exploitation.
≈ Malheureusement, Ces Relations Flattent À La Fois L’Exploiteur Et L’Exploité. ≈
• Ces satisfactions personnelles sont considérées comme un progrès sur la voie spirituelle, et cela devient particulièrement laid et brutal lorsqu'il y a des intermédiaires entre l'élève et le maître, lorsque le maître est dans un autre pays ou inaccessible d'une façon ou d'une autre, lorsqu'il n'y a pas de contact physique direct entre l'élève et le maître.
• Cette inaccessibilité et le manque de contact direct ouvrent la porte à toutes les déceptions et à toutes les illusions, merveilleuses, mais puériles ; et ces illusions sont exploitées par les malins, par ceux qui sont avides de gloire et de puissance.
≈ Les Récompenses Et Les Châtiments N’existent Que Lorsque il N’y A Pas D’humilité. ≈
• L’humilité ne vient pas à la suite de pratiques spirituelles et de refus. L'humilité n'est pas une fin en soi, ce n'est pas une vertu à cultiver.
• Une vertu que l'on cultive cesse d'être une vertu, car elle n'est plus alors qu'une autre forme d'accomplissement, quelque chose dont on peut rendre compte.
• Cultiver Une Vertu N’est Pas Faire Abnégation De Soi, C’est Affirmer Négativement Son Moi.
• L’humilité ne connaît pas la distinction entre le supérieur et l'inférieur, entre le maître et l'élève.
• Tant que subsiste la distinction entre le maître et l'élève, entre la réalité et vous-même, la compréhension n'est pas possible. Pour comprendre la vérité, il n'est pas besoin de maître ni d'élève, de second ni de premier degré.
• La vérité est la compréhension de ce qui est d'instant en instant sans le fardeau ou le résidu du moment précédent.
≈ Récompenses Et Châtiments Ne Font Que Renforcer Le Moi, Qui Ignore L’humilité. ≈
• L’humilité est dans le présent, non dans le futur. Vous ne pouvez pas devenir humble.
• Devenir, ce n'est que projeter dans le futur l'importance du moi, qui se dissimule dans la pratique d'une vertu.
—■ Comme Il Est Fort, Notre Désir De Réussir, De Devenir ! Comment La Réussite Et L’humilité Pourraient-Elles Aller De Pair ? C’est Pourtant À Cela Que Tend L’Exploiteur « Spirituel » Comme L’Exploité, Et C’est Cela Qui Engendre Les Conflits Et Les Souffrances. —■
« Prétendez-vous que le maître n'existe pas et que le fait que je me considère comme son élève ne soit qu'une illusion ? » demanda-t-il.
• Que le maître existe ou non n'a aucune importance.
• C’est important pour l'Exploiteur, pour les sociétés et les écoles secrètes ; mais, pour l'homme qui cherche la vérité, la vérité qui donne le bonheur suprême, cette question n'a absolument aucun sens.
• Le riche et le portefaix sont aussi importants que le maître et l'élève.
— Que des maîtres existent ou non, que l'on distingue entre initiés, élèves, etc., n'a aucune importance ; ce qui est important, c'est de se connaître soi-même.
• Sans la connaissance de soi, la pensée n'a aucune base. Si vous ne commencez pas par vous connaître vous-même, comment pouvez-vous savoir ce qui est vrai ?
• Sans la connaissance de soi, l'illusion est inévitable. Il est puéril de recevoir un enseignement et d'accepter d'être ceci ou cela.
≈ Méfiez-Vous De L’homme Qui Vous Offre Une Récompense, Dans Ce Monde Ou Dans L’autre. ≈
— Extrait De : « Commentaires-Sur-La-Vie »
1956 Tome 1 – Note 6
—■ Jiddu Krishnamurti (1895-1986) –