Plutôt qu'une malédiction, les archéologues sont peut-être tombés sur un médicament contre le cancer. | Harry Burton via Wikipédia
仝 Le champignon responsable de la malédiction de Toutankhamon pourrait être un remède miracle contre le cancer
• Longtemps soupçonné d'avoir causé la mort d'archéologues en Égypte et en Europe, «Aspergillus flavus» pourrait connaître une rédemption spectaculaire. Des chercheurs ont isolé en lui des molécules prometteuses contre certains cancers du sang.
L'histoire du champignon Aspergillus flavus commence dans les recoins sombres de l'Égypte antique. Soupçonné d'avoir causé la mort de plusieurs archéologues ayant ouvert la tombe de Toutankhamon dans les années 1920, le champignon a longtemps été associé à la légendaire malédiction du pharaon.
• Cinquante ans plus tard, dix des douze scientifiques ayant exploré la tombe du roi polonais Casimir IV meurent en quelques semaines. La responsabilité d'Aspergillus flavus, connue pour ses spores infectieuses, est alors évoquée. Selon le média en ligne IFLScience, aujourd'hui, cette même moisissure pourrait bien sauver des vies.
Des chercheurs de l'Université de Pennsylvanie ont récemment identifié dans ce champignon des peptides d'un nouveau genre, nommés aspérigimycines. Ces molécules complexes montrent une efficacité remarquable contre les cellules leucémiques.
• Deux d'entre elles ont tué ces cellules en éprouvette et une troisième, combinée à un lipide extrait de la gelée royale, a rivalisé avec deux traitements anticancéreux approuvés par la Food and Drug Administration. «La synthèse de ces composés est compliquée, mais c'est aussi ce qui leur donne cette bioactivité remarquable», explique la chercheuse Qiuyue Nie, autrice principale de l'étude publiée dans la revue Nature Chemical Biology.
Les aspérigimycines ne se contentent pas d'attaquer les cellules, elles pénètrent dans celles-ci grâce à un détournement du gène SLC46A3, ce qui leur permet d'agir efficacement et de façon létale. Un point crucial dans ce genre de traitements, souvent bloqués à l'entrée des cellules cibles. «Ces composés bloquent la formation de microtubules, qui sont essentiels pour la division cellulaire», explique Sherry Gao, coautrice de l'étude.
• Plus de vingt peptides de ce type sont déjà utilisés dans le traitement de diverses maladies, mais rares sont ceux qui parviennent à cibler les cellules avec autant de précision.
Les aspérigimycines se sont révélées inefficaces contre trois autres types de cancer. Une faiblesse? Pas nécessairement. Selon les oncologues, un traitement efficace sur un cancer spécifique a bien plus de chances de réussite que les approches généralistes, souvent inefficaces ou toxiques pour les cellules saines. Le potentiel est donc réel, même si l'étape des essais sur les animaux reste à franchir avant d'envisager des tests cliniques.
Un trésor naturel ignoré
Le champignon à l'origine de la pénicilline n'est plus seul à fasciner les scientifiques. Comme le rappelle Sherry Gao, «la nature nous a donné cette incroyable pharmacie». L'étude des peptides de synthèse ribosomique modifiés de façon post-traductionnelle (RiPPs) portait jusqu'ici sur ceux provenant majoritairement des bactéries, plutôt que des champignons.
Le peu d'études réalisées sur ces peptides fongiques, souvent mal classées, pourrait avoir ralenti des décennies de progrès. Les scientifiques notent même que «la synthèse chimique des aspérigimycines heptacycliques pourrait être intrigante», au point qu'il faudrait peut-être retourner chercher la matière première dans des cryptes humides plutôt que dans des bioréacteurs.
De menace silencieuse à potentiel médicament, le champignon Aspergillus flavus pourrait signer une rédemption inattendue. «En tant qu'ingénieurs, nous sommes enthousiastes à l'idée de continuer à explorer, apprendre de la nature et utiliser cette connaissance pour concevoir de meilleures solutions», conclut Sherry Gao. Un revirement fascinant pour celui qu'on accusait autrefois d'avoir participé à la malédiction des tombeaux royaux.
Les aspérigimycines ne sont qu'au début de leur parcours scientifique, mais leur structure unique et leurs effets ciblés en font des candidats d'exception. Même si ces premières molécules échouaient en essais cliniques, les chercheurs sont confiants : cette nouvelle classe de molécules pourrait avoir un fort potentiel en tant que futurs médicaments.
— Source documentaire : Slate France
— 25 juin 2025
■—Alice Belkacem—