Les textes religieux sont encore mobilisés pour justifier des guerres contemporaines, comme celle menée par Israël dans la bande de Gaza depuis les attentats du 7 octobre 2023. Mais que disent vraiment la Bible, le Coran et la Torah de la guerre ? Mohammed Saber/EPA/AAP
☪ Les guerres sont souvent menées au nom de conceptions religieuses. Mais que disent vraiment les textes fondamentaux du christianisme, de l'islam et du judaïsme sur la guerre et ses justifications ?
• Nous avons demandé son avis à un expert du monothéisme.
• Les musulmans et l'islam ont fait leur apparition sur la scène mondiale au cours du VIIe siècle de l'ère commune, une période relativement hostile. En réponse à plusieurs défis majeurs propres à cette époque, notamment la question des guerres, l'islam a introduit des réformes juridiques et éthiques novatrices.
— Le Coran et l'exemple fixé par le prophète Muhammad — souvent francisé en Mahomet — ont établi des lignes directrices claires pour la conduite de la guerre, bien avant que des cadres similaires n'apparaissent dans d'autres sociétés.
• Pour cela, l'islam a défini un nouveau terme, jihad, plutôt que le mot arabe habituel pour désigner la guerre, harb. Alors que harb désigne de manière générale la guerre, le jihad est défini dans les enseignements islamiques comme une lutte licite et moralement justifiée, qui inclut, mais ne se limite pas aux conflits armés. Dans le contexte de la guerre, le jihad désigne spécifiquement le combat pour une cause juste, selon des directives juridiques et éthiques claires, distinctes de la guerre belliqueuse ou agressive.
• Entre 610 et 622, le prophète Muhammad a pratiqué une non-violence active en réponse aux persécutions et à l'exclusion économique que lui et sa communauté subissaient à La Mecque, malgré les demandes insistantes de ses disciples qui voulaient prendre les armes. Cela montre que la lutte armée ne peut être menée, en islam, entre membres d'une même société : cela conduirait en effet à l'anarchie.
Le Coran insiste sur le fait que la guerre, comme toute réponse à la violence, doit être proportionnée et rester bornée par certaines limites. Steven Saphore/AAP
• Après avoir quitté sa ville natale pour échapper aux persécutions, Muhammad fonda à Médine une société pluraliste et multiconfessionnelle. Il prit par ailleurs des mesures actives pour signer des traités avec les tribus voisines. Malgré sa stratégie de paix et de diplomatie, les Mecquois, qui lui restaient hostiles, ainsi que plusieurs tribus alliées, attaquèrent les musulmans de Médine. Il devenait ainsi inévitable d'engager une lutte armée contre ces agresseurs.
≈ La permission de combattre a été donnée aux musulmans par les versets 22 : 39-40 du Coran :
• Autorisation est donnée à ceux qui sont attaqués (de se défendre) parce que, vraiment ils sont lésés ; et Allah est certes capable de les secourir, ceux qui ont été expulsés de leurs demeures, contre toute justice, simplement parce qu'ils disaient : «Allah est notre Seigneur». […]
• Ce passage autorise non seulement la lutte armée, mais offre également une justification morale à la guerre juste. Celle-ci est d'abord conditionnée à une lutte purement défensive, tandis que l'agression est qualifiée d'injuste et condamnée. Ailleurs, le Coran insiste sur ce point :
• S'ils se tiennent à l'écart de vous, s'ils ne vous combattent point et se rendent à vous à merci, Allah ne vous donne contre eux nulle justification (pour les combattre).
• Le verset 22:39 vu précédemment présente deux justifications éthiques à la guerre.
— La première concerne les cas où des personnes sont chassées de leurs foyers et de leurs terres, c'est-à-dire face à l'occupation d'une puissance étrangère.
— La seconde a trait aux cas où des personnes sont attaquées en raison de leurs croyances, au point de subir des persécutions violentes et des agressions.
• Il est important de noter que le verset 22:40 inclut les églises, les monastères et les synagogues dans le champ des lieux qui doivent être protégés. Si les croyants en Dieu ne se défendent pas, tous les lieux de culte sont susceptibles d'être détruits, ce qui doit être empêché par la force si nécessaire.
• Le Coran n'autorise pas la guerre offensive, car «certes, Allah n'aime pas les agresseurs !» (2 : 190) Il fournit également des règles détaillées sur qui doit combattre et qui en est exempté (9 : 91), quand les hostilités doivent cesser (2 : 193), ou encore la manière dont les prisonniers doivent être traités avec humanité et équité (47 : 4).
• Des versets comme le verset 194 de la deuxième sourate soulignent que la guerre, comme toute réponse à la violence et à l'agression, doit être proportionnée et rester dans certaines limites :
— Quiconque a marqué de l'hostilité contre vous, marquez contre lui de l'hostilité de la même façon qu'il a marqué de l'hostilité contre vous.
— En cas de guerre inévitable, toutes les possibilités pour y mettre un terme doivent être explorées : Et s'ils (les ennemis) inclinent à la paix, incline vers celle-ci, et place ta confiance en Allah. (8 : 61)
• L'objectif d'une action militaire est ainsi de mettre fin aux hostilités le plus rapidement possible et d'éliminer les causes de la guerre, et non d'humilier ou d'anéantir l'ennemi.
• Le jihad militaire ne peut par ailleurs pas être mené pour satisfaire une ambition personnelle ou pour alimenter des conflits nationalistes ou ethniques. Les musulmans n'ont pas le droit de déclarer la guerre à des nations qui ne leur sont pas hostiles (60 : 8). En cas d'hostilité ouverte et d'attaque, ils ont en revanche tout à fait le droit de se défendre.
• Le Prophète et les premiers califes ont expressément averti les chefs militaires et tous les combattants participant aux expéditions musulmanes qu'ils ne devaient pas agir de manière déloyale ni se livrer à des massacres ou à des pillages aveugles. Muhammad a ainsi dit, selon la tradition islamique (sunna) : Ne tuez pas les femmes, les enfants, les personnes âgées ou les malades. Ne détruisez pas les palmiers et ne brûlez pas les maisons.
• Grâce à ces enseignements, les musulmans ont disposé, tout au long de leur histoire, de directives juridiques et éthiques visant à limiter les souffrances humaines causées par la guerre.
Mehmet Ozalp Professor of Islamic Studies, Director of The Centre for Islamic Studies and Civilisation and Executive Member of Public and Contextual Theology, Charles Sturt University
— Source documentaire : The Conversation Com
— Jeudi 21 août 2025
■— Mehmet Ozalp