24 novembre 2025

≡ Aux Sources De L’esprit Critique : « L’Effet Oddball »


La détection rapide des bruits ou des mouvements suspects est vitale pour le petit mulot. L’animal est en permanence à l’affût des bruits et des mouvements qui pourraient indiquer la présence d’un prédateur. 


De leur côté, le serpent ou le renard, qui feraient bien du mulot leur menu, se montrent aussi attentifs à tous les bruits, mouvements et odeurs inhabituels qui indiqueraient la présence d’une proie. 


Voilà pourquoi la nature a doté les animaux prédateurs comme proies – d’un dispositif inné de détection des anomalies. 


En tant qu’animal humain, nous sommes aussi équipés pour dresser l’oreille quand un bruit suspect – un claquement de porte ou un petit cri – vient briser le fond sonore habituel. C’est ce même mécanisme qui nous alerte si le moteur de l’automobile fait un cliquetis inhabituel. À noter que ce n’est pas le bruit qui compte (nous sommes habitués au bruit du moteur), mais l’écart avec la norme. 


En psychologie, cette tendance naturelle à détecter les anomalies a un nom : « l’effet Oddball ». 


En anglais, « oddball » s’emploie pour désigner les personnes «excentriques», «originales», «bizarres». C’est l’équivalent des expressions françaises « drôle d’oiseau » ou « hurluberlu ». L’effet Oddball désigne donc l’attirance naturelle pour le bizarre et l’incongru.


Les psychologues ont mis au point des expériences destinées à montrer comment agit l’effet Oddball. Par exemple, si on présente à des sujets une photo de groupe avec des visages souriants sur un écran, mais parmi lesquels se trouve un visage triste, il est rapidement identifié et l’observateur va concentrer son attention sur lui.


La détection des anomalies joue un grand rôle dans la perception sociale : elle fait que notre regard s’attarde sur les personnes déviantes ou des événements anormaux. Dans un groupe, celui qui tranche par sa taille (le géant ou le nain), ses vêtements ou ses comportements attirera spontanément l’attention. Ce même phénomène d’attention sélective pour tout ce qui se révèle anormal, bizarre ou macabre nous fait nous arrêter pour observer un accident qui vient de se produire dans la rue.


Vertus et défauts de l’esprit critique


L’effet Oddball et la détection des anomalies sont à la source de l’esprit critique. Critiquer, c’est repérer les failles, les contradictions, les défauts d’une personne, d’une idée, d’une machine ou d’une organisation. En ce sens, l’esprit critique s’avère l’expression culturelle, plus ou moins cultivée selon les époques et les milieux, d’un penchant naturel.


L’esprit critique a la vertu d’un dispositif d’alerte : nous prémunir du danger, repérer les défauts d’un système et tenter de le réparer. Mais son inconvénient est de focaliser l’attention sur les problèmes, les dangers et tout ce qui ne tourne pas rond. En ce sens, il est anxiogène et exagérément pessimiste. 


Ce penchant naturel à s’intéresser aux phénomènes anormaux et à tout ce qui cloche est largement exploité par les médias. Les actualités ne parlent pas des trains qui arrivent à l’heure, des pays en paix ou des chiens qui ne sont pas écrasés. 


Ce qui fait de l’audience, ce sont les accidents, les catastrophes, les incendies, les guerres, les attentats et tout ce qui vient perturber l’ordre normal des choses. Les médias ne parlent pas du monde tel qu’il est, mais du monde qui va mal.




— Mardi 11 novembre 2025

— Source documentaire : L’Humanologue




Aron O’Raney —