24 juillet 2017

Une Partie De Pêche



 Pasted Graphic


L’oncle Raphaël, Venait À La Maison Nous Chercher Mon Père Et Moi Parfois Le Samedi En Fin De Journée, Pour Nous Emmener Pêcher.

Il arrivait dans sa vieille camionnette, qui parait-il, avait un moteur neuf; c’était pour moi un événement, car j’attendais vraiment ce jour avec impatience. 

À la maison,  nous étions évidemment fin prêts depuis la veille au soir pour la grande évasion. Ma mère avait préparé ce qu’il fallait pour le repas du soir, et le petit déjeuner du jour suivant, car nous allions passer une nuit dehors, et rester jusqu’au lendemain matin au moins. 

L’oncle Pascal venait aussi se joindre à nous, il était chef d’atelier à la concession Citroën de la ville. Il faisait ses recommandations d’usage à son frère ainé, qui était quelqu’un d’indiscipliné et de fantasque. Il s’assurait notamment que celui-ci avait bien pris les outils nécessaires en cas de panne, et que tout était en ordre à bord.

Il faut dire à ce propos, qu’une mésaventure que nous avions tous en mémoire dans la famille, justifiait pleinement la méfiance et les appréhensions de mon oncle Pascal, à l’égard de son frère Raphaël. 

En effet, quelque temps auparavant, au cours d’une sortie de même nature, nous avions été immobilisés à la suite d’une crevaison, et l’on avait constaté ce jour-là, l’absence de la roue de secours indispensable. Cela nous avait occasionné bien des désagréments, dont nous étions sortis avec grande difficulté.

Mon père avait l’attirail complet du parfait pêcheur, et ses appâts. Il  avait préparé bien avant cette sortie, une  étrange mixture faite de mie de pain rassis, de restes et croutes de fromage râpé, le tout additionné d’eau et de quelques autres choses, dont lui seul avait le secret. Il laissait macérer ce mélange explosif appelé  « Bromedj » durant plusieurs jours; mais l’odeur dégagée par la fermentation de ce mélange étant difficilement supportable, il entreposait sa composition, dans le cagibi extérieur aux w.c. près de la colonne montante de l’immeuble.

Enfin, l’instant du départ arrivait, et nous pouvions partir, entassés avec nos affaires sur le plateau à ridelles de la camionnette pétaradante, en direction de la corniche oranaise. 

Après la route du port, direction Mers El Kebir la base navale militaire, puis le fort Lamoun, arrivait ensuite  la montée de l’Escargot, puis, les plages d’Aïn-El-Turk, de Bouisseville, après plusieurs kilomètres nous passions le village du Cap Falcon, et l’on s’arrêtait enfin juste avant d’arriver à Bousfer Plage, à proximité de l’île aux rats à environ trente-cinq kilomètres de la ville d’Oran. 

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Nous laissions la voiture sur un chemin de terre ensablé, et nous partions avec armes et bagages vers l’endroit menant à la mer; où l’on trouvait après environ dix à quinze minutes de marche, cachée par le relief tourmenté, une petite crique et un semblant de grotte dans les rochers. 

Nous étions enfin à pied d’œuvre et une fois tous installés, papa sortait son attirail de pêche… Quelques cannes, et son lancer équipé du dernier modèle de moulinet dont il était fier. 

Une fois lancé à l’eau, le fameux « Bromedj » devait en principe attirer le poisson, l’attente commençait. Ça ne fonctionnait pas tout de suite bien sûr, « Oui évidemment avec le bruit qu’on fait… » Puis brusquement et comme par hasard, après une attente qui semblait se prolonger indéfiniment, c’était au moment où l’on avait vraiment le plus faim que ça commençait à mordre. 

Je pêchais aussi, et au bout d’un moment comme cela m’arrivait souvent, en m’y prenant mal, ma ligne restait bien accrochée à un rocher.  Je me faisais alors tout petit, car cela irritait quelque peu évidemment mon père, qui venait à mon secours, en s’efforçant de conserver son calme.

Après une petite nuit écourtée et un semblant de sommeil agité, quelques nouvelles prises de poissons encore, puis après que l’on se soit restaurés, c’était la préparation pour le retour. 

Nous remontions lentement et bien chargés le sentier accidenté; en faisant attention là où nous posions nos pieds, puis nous émergions à découvert en vue du chemin où l’on retrouvait la brave camionnette.

Je somnolais pendant presque tout le retour, et nous arrivions enfin, quand même assez contents de retrouver le confort de la maison et toutes nos petites habitudes.

C’était de beaux moments vécus avec mes oncles et mon père, dans la simplicité de cette époque regrettée. Une belle sortie, et un bonheur ineffable qui demeure ancré dans ma vieille mémoire.



Aron O’Raney —