◆ Depuis Son Arrivée À Alger, Samedi Dernier, Boualem Sansal A Disparu.
Tous les regards se tournent néanmoins du même côté.
— Vers un pouvoir algérien qui, fidèle à ses habitudes, affectionne les coups tordus, excelle dans les non-dits, avance masqué.
— Vers un pouvoir algérien pour lequel cet écrivain de 75 ans, à la plume brillante, féroce et sans concession, incarne tout ce qu’il n’est pas : le courage, la sincérité, le panache.
Là où il est, Boualem Sansal serait-il l’otage de la mauvaise humeur manifestée ces derniers mois par Alger ?
• Contre Emmanuel Macron, qui vient de renouer avec Rabat et de reconnaître la « marocanité » du Sahara occidental ?
• Contre le prix Goncourt qui a couronné Kamel Daoud, autre pourfendeur de talent du régime ?
• Contre Paris, qui a accordé la nationalité française en début d’année aux deux romanciers, Sansal et Daoud ?
Ces épisodes sont vécus comme des « humiliations » au palais présidentiel d’el-Mouradia. On ne s’en étonnera pas puisque, depuis soixante-deux ans, Ben Bella et Houari Boumediene, tous les prétextes sont bons pour cultiver les mêmes éternels ressentiments contre l’ex-puissance coloniale.
Au cœur de cette haine ancestrale, Boualem Sansal apparaît comme un combattant de la vérité.
À longueur de livres, il fustige les deux dictatures qui étranglent son pays : le pouvoir, issu des militaires, et la religion. Il le fait depuis sa terre natale, à visage découvert.
Mais il parcourt aussi le monde pour le mettre en garde contre les ravages de l’islamisme.
Selon lui, la France, « pays à la ramasse qui vit sur ses gloires passées », dit-il, est grandement menacée. Tel Soljenitsyne en son temps face à l’URSS et au communisme, il décrit, décrypte, dénonce ce qu’il voit avec une impressionnante énergie et précision.
« Écrire, c’est tout ce que je sais faire pour changer tout cela », confiait récemment Boualem Sansal au micro d’une radio juive.
Infatigable paladin de la liberté, lanceur d’alerte contre toutes les oppressions, militant de causes universelles, il n’a jamais perdu espoir.
« Vivre » est le titre de son dernier roman. Nous devons nous battre pour lui.
— Vendredi 22 novembre 2024 Éditorial Figaro.
■ Yves Thréard —