Le 22 octobre 1979, le procès du «casse du siècle» s’ouvrait à Nice
Albert Spaggiari, ici entouré de son avocat Maître Peyrat et de policiers, s’enfuit en 1977 par la fenêtre du cabinet du juge d’instruction. Il est le grand absent du procès du «gang des égoutiers» qui s’ouvre deux ans plus tard. AFP
Il y a 45 ans, des membres du «gang des égoutiers» comparaissaient en l’absence de leur chef présumé, alors en cavale, Albert Spaggiari.
※ Au tribunal de Nice, ce 22 octobre 1979, s'ouvre un procès très attendu dont on n'espère paradoxalement pas grand-chose. Enfin si, une apparition, qui serait quasi miraculeuse. Celle d'Albert Spaggiari, l'auto-proclamé «cerveau du casse du siècle». «Fol espoir déçu, malgré une longue attente des magistrats niçois», relate Le Figaro le lendemain. L'ancien para et membre de l'OAS s'est fait la malle de manière spectaculaire deux ans plus tôt en sautant de la fenêtre du bureau du juge d’instruction. En cavale depuis lors, il ne s'est pourtant pas fait discret, publiant un récit de son exploit, Les Égouts du paradis, adapté au cinéma par José Giovanni, avec Francis Huster dans le rôle de ce drôle d’oiseau.
À sa place donc, dans le box des accusés, ne figurent que six personnages secondaires du fameux «gang des égoutiers» qui, en juillet 1978, a dévalisé par les sous-sols de la capitale de la Côte d’Azur les coffres de la Société Générale et emporté un butin de 46 millions de francs (environ 9 millions d'euros). Six «pâles comparses», proches du Milieu marseillais : Dominique Poggi, 53 ans, Daniel Michelicci, 36 ans, Gérard Vigier, 36 ans, tous trois repris de justice et accusés d'avoir participé directement au hold-up, Alain Bournat, 38 ans, Francis Pellegrin, 38 ans, et Marie Françoise Astolfi, 28 ans, accusés de recel. «Six sur les vingt-trois complices présumés de Spaggiari».
※ Le procès des «bouches cousues»
Qu'attendre de ces seconds couteaux, dont l'un en grève de la faim en prison s'est lui-même cousu les lèvres avec du fil et une aiguille ? Rien pour le chroniqueur judiciaire du Figaro, Pierre Bois, qui s'apprête à suivre ce «procès du silence et des bouches cousues».
Dans ce «rien», le journaliste décèle toutefois l'ombre d'un dramaturge italien. Car ce sont «six personnages en quête d'auteur», qui se présentent devant les assises de Nice. «Cinq hommes et une femme non pas comme dans Pirandello, à la recherche de leur propre vérité — il y a longtemps qu'ils l'ont oubliée — mais plutôt en quête de celui ou de ceux qui ont eu l'audace d'entreprendre le cambriolage de la Société Générale et de rafler cinq milliards d'anciens francs, en les faisant agir, en les manipulant, en tirant les ficelles d'un plan où, à l'avance, ils étaient sacrifiés et finalement en les offrant à la justice, comme si, dans leur banalité, ils étaient sans conséquences.»
※ Trois acquittements, trois condamnations à des peines de cinq à sept ans d'emprisonnement, le verdict rendu le 31 octobre est finalement clément pour ce «petit personnel de la délinquance». Quant à Albert Spaggiari, surnommé «Bert», il est condamné une semaine plus tard par contumace à la réclusion criminelle à perpétuité. Peine qu'il n'accomplira jamais puisqu'il mourra dix ans plus tard en Italie, ruiné après douze années de cavale.
— Le figaro —histoire
■ Camille Lestienne —