Thomas Merton Et Le Dalaï-Lama
La Vie Et La Mort Luttent En Nous. Dès L'instant De Notre Naissance, Nous Commençons En Même Temps À Vivre Et À Mourir.
Même si nous n'en sommes nullement conscients, cette lutte de vie et de mort continue en nous, inexorablement, Implacablement.
Si, par hasard, nous en prenons pleinement conscience, non seulement dans notre chair et nos émotions, mais surtout dans notre esprit, nous nous trouvons entrainés dans un combat terrible, une « Agonia » Non De Questions Et De Réponses, mais d'Être et de Néant, d'Esprit et de Vide.
Dans cette guerre, la plus horrible de toutes, menée au bord d'un désespoir infini, nous en venons à comprendre peu à peu que la vie est autre chose que la récompense de celui qui devine une « réponse » secrète et spirituelle à laquelle il demeure agréablement lié.
Il s'agit de bien davantage que de trouver la « Paix De L'âme » ou de « régler des problèmes religieux ».
En fait, pour l'homme qui descend dans les sombres profondeurs de « l'Agonia », les problèmes religieux deviennent un luxe inconcevable.
Il n'a pas le temps de s'offrir ces douceurs. Il lutte pour la vie.
Son Être est un navire qui s'engloutit, prêt à chaque fois qu'il respire à plonger dans le néant, tout en surnageant inexplicablement sur le vide.
Les questions qui possèdent des réponses semblent alors être les railleries cruelles de l'esprit impuissant.
L'existence elle-même devient une question absurde, comme un Koan Zen, et trouver la réponse équivaut à être irrémédiablement perdu.
Une question absurde ne peut recevoir qu'une réponse absurde.
Les religions, en réalité, ne fournissent pas de réponses aux questions ; ou du moins elles ne se bornent pas à cela sous peine de décadence.
Le salut est bien davantage que la réponse à une question.
Échapper à un désastre n'est pas la réponse à la question « En sortirai-je vivant ? »
Dans cette lutte de vie et de mort, tout est suspendu à la conclusion finale.
Rien n'est sûr d'avance. Rien n'est définitivement certain.
La conclusion est laissée à notre choix.
Mais c'est ce qui constitue la terreur sombre de « l'Agonia » : nous ne pouvons être certains du choix que nous ferons.
— Extraits De « Le Nouvel Homme »
■ Thomas Merton (1915-1968)—