06 novembre 2025

≡ L’incroyable Histoire Du Sealand


Une Noix Rouillée Au Milieu De L’océan  : L’incroyable Histoire Du Sealand, La Micro-Nation Qui Fait Rêver Les Pirates


 Retour sur une épopée qui en fait fantasmer plus d’un.


Imaginez une plateforme militaire abandonnée, plantée sur deux piliers de béton au milieu des eaux grises de la mer du Nord. 550 mètres carrés de métal rouillé, à douze kilomètres des côtes anglaises et à quelques centaines de kilomètres de celles de la France. 


Voilà la Principauté de Sealand, une anomalie géopolitique qui revendique son indépendance depuis maintenant plus de cinquante ans. L’occasion pour nous de vous raconter son histoire abracadabrantesque qui mêle radios pirates, mercenaires allemands, entrepreneurs libertariens et célébrités en quête de titres nobiliaires.


Des mercenaires donnent l’assaut


Roy Bates, ancien militaire de l’armée britannique, s’était fait un nom dans le milieu des radios pirates. Mais, en 1967, une décision de justice interdit la diffusion depuis certaines structures maritimes. L’ancienne plateforme militaire de Fort Roughs, où il venait de s’installer, tombe sous le coup de cette interdiction.


La réaction de Bates est d’une simplicité désarmante. « Comment échapper à cet ordre de la Couronne britannique ? C’est simple : pas de couronne, pas d’interdiction ! » Le militaire intrépide déclare l’indépendance de sa plateforme qui se trouvait dans les eaux internationales et se proclame Prince de Sealand, faisant de sa femme Joan la princesse.

© Wikipedia


Sealand découvre rapidement que même les plus petites nations attirent les convoitises. Ronan O’Rahilly, propriétaire de Radio Caroline, lorgne en effet sur la plateforme dès 1967. L’affrontement qui s’ensuit défie l’imagination. Nos confrères évoquent « un assaut épique où les associés du Prince Paddy défendent leur microroyaume à coups de bombes à essence et de fusils ».


Un épisode encore plus spectaculaire survient en 1978 lorsque Alexander Achenbach, homme d’affaires allemand, autoproclamé Premier ministre de Sealand, recrute des mercenaires. Ils envahissent la zone avant d’en perdre assez vite le contrôle. L’Allemagne dépêche alors un représentant pour négocier la libération d’Achenbach.

En 1978, des mercenaires employés par l’homme d’affaires allemand Alexander Achenbach ont envahi l’île, mais ont finalement été capturés. Achenbach voulait transformer la plateforme en un hôtel offshore de luxe. © Sealand.gov


Les pirates jettent l’éponge


L’histoire ne s’arrête pas là. En 2000, Ryan Lackey, hacker libertarien de 21 ans, identifie dans Sealand l’emplacement idéal pour HavenCo, le premier « data haven » offshore. Il ambitionne d’exploiter le statut juridique ambigu de Sealand pour créer un sanctuaire numérique. Le jeune homme lève plusieurs millions de dollars d’investisseurs privés pour installer des équipements dans les piliers de béton.


C’était sans compter sur l’éclatement de la bulle Internet qui anéantit ces espoirs. « Tous nos clients potentiels ont fait faillite. Et nous aussi », se remémore tristement l’entrepreneur Lackey dans WorldCrunch.


Un peu plus tard, en janvier 2007, après des raids policiersThe Pirate Bay annonce vouloir acheter Sealand pour créer sa « Nation des Pirates » à l’abri des lois sur le droit d’auteur. La plateforme lance une campagne de financement : « Si nous n’obtenons pas assez d’argent pour acheter Sealand, nous essaierons d’acheter une autre petite île ». Les utilisateurs suivent, mais on est toutefois loin du compte.


En effet, la famille Bates demande 65 millions de livres sterling. Plus rédhibitoire encore, les conditions exigeaient que les acquéreurs acceptent les lois de Sealand, dont l’une interdisait la distribution de matériel protégé. L’affaire n’ira donc pas à son terme.


L’âge d’or du commerce nobiliaire virtuel


Au fil du temps, Sealand a fini par trouver un modèle économique pérenne qui repose en partie sur la vente de titres nobiliaires autoproclamés sur Internet. Ils n’ont aucune valeur légale et sont avant tout symboliques. Les prix vont ainsi de 24 à 600 euros selon le statut choisi. Ed Sheeran a d’ailleurs fait parler de ce dispositif, et il est officiellement connu comme Baron von Edward Sheeran depuis 2012. « Un ami possède une plateforme transformée en pays, appelé Sealand, ce qui lui permet de remettre des titres. Donc je suis baron. Génial », avait-il plaisanté.


Reste une question de taille : celle du statut légal de Sealand qui demeure très ambigu. Business Insider rappelle que « bien qu’elle ne soit pas reconnue par le Royaume-Uni, elle jouit d’une autonomie effective ». De fait, l’extension des eaux territoriales britanniques à 12 milles en 1987 inclut Sealand dans les eaux territoriales britanniques, mais Londres n’a jamais contesté son indépendance de facto.


Aujourd’hui, Michael Bates, fils de Prince décédé en 2012, règne toujours sur cette « coquille de noix rouillée ». Deux gardiens entretiennent la plateforme, tandis que le prince régent vit dans l’Essex et tente d’entretenir la flamme de cette improbable épopée.



— Mercredi 22 octobre 2025

— Source documentaire : Press Citron Net




Jean-Yves Alric