■ L’inceste Symbolise La Tendance À L’union Des Semblables, Voire L’exaltation De Sa Propre Essence, La Découverte Et La Préservation Du Moi Le Plus Profond. C’est Une Forme De L’Autisme.
On le rencontre, d'après la plupart des mythologies, dans les relations entre les dieux, entre les pharaons et les rois, dans les sociétés closes, qui veulent garder et renforcer leur suprématie essentielle.
— Chez les Égyptiens « Isis épouse son frère Osiris ; elle a quatre enfants de son fils Horus » ; et un même constat chez les Incas, les Polynésiens, les Grecs, etc.
■ L’inceste entre frère et sœur semble être la règle dans les naissances divines de la mythologie irlandaise.
— Le Roi usurpateur Bres est le fils d'une femme des Tuatha De Danna, Eri (personnification de l'Irlande) et d'Elatha science (son frère), fils de Delbaeth forme.
Le héros Cuchulainn est également le fils du roi Conchobar {substitut du dieu Lug) et de sa sœur Medb qui, avant d'épouser son mari Ailill, a eu commerce avec ses deux frères.
Dans le récit de la Courtise d'Étain, la reine d'Irlande est prête à commettre l'adultère avec le frère de son mari et le Dagda dans la première version de cette légende, commet l'adultère avec sa sœur Boand, qui est la femme de son frère Elcmar...
— Il semble que nous ayons là l'explication mythique de la polyandrie des Bretons, rapportée par César dans le De Bello Callico.
— Aux quatre dieux masculins du panthéon irlandais fait équilibre une seule et unique divinité féminine qui, tout en étant vierge, est leur épouse commune (le cas des Pandavas hindous).
— L’inceste, qui n'a rien à voir avec une immoralité possible des personnages mythiques irlandais, constituerait une référence aux temps adamiques de la Genèse (OGAC, 18, 363-410, CELT 15).
■ Aux yeux des psychanalystes, la tentation inconsciente et refoulée de l'inceste constitue le complexe d'Œdipe et d'Electre, selon les cas, et représenterait une phase normale de la sexualité infantile au cours de son évolution. Seule sa fixation serait génératrice de névrose (PORP, 214).
— Il y a lieu de distinguer l'inceste semi-animal, qui se meut entre la normalité infantile, l'interdit social, la perversion sexuelle et la névrose, de l'inceste semi-religieux, chargé de symboles et dérivant des croyances.
— Les unions Incestueuses de l'Antiquité, par exemple, n'étaient probablement pas dues à une inclination amoureuse, mais à une superstition spéciale étroitement liée aux conceptions mythiques.
L'histoire rapporte qu'un pharaon de la deuxième dynastie épousa sa sœur, sa fille et sa petite-fille ; les Ptolèmèes, leurs sœurs : Cambyse, ses sœurs : Artaxerxès, ses deux filles : au VIe siècle apr. J.-C., Qobad Ier convola en secondes noces avec sa fille, et le satrape Sysimithrès se maria même avec sa mère, etc.
Mais ces incestes s'expliquent par ce fait que le Zend Avesta recommande les mariages consanguins, afin d'accentuer la ressemblance des souverains avec la divinité (JUNL, 406).
Il n'est pas certain que l'enseignement de l'Avesta ait été décisif dans tous les cas. L'inceste semble plutôt correspondre à la situation, non seulement des sociétés closes, mais des psychismes clos ou étroits, incapables d'assimiler l'autre : il trahit une déficience ou une régression.
Bien qu'il puisse paraître normal à une certaine phase de l'évolution, il exprime un blocage, un nœud, un arrêt dans le développement moral et psychique d'une société et d'une personne.
■ Bien que la mythologie grecque soit remplie d'unions incestueuses et que « l’endogamie primitive » eût laissé des traces dans la société, comme dans le psychisme, l'inceste inspirait aux tragiques Grecs, et sans doute à l'âme collective du peuple, une horreur sacrée.
— L’Œdipe-Roi de Sophocle fonde toute sa puissance dramatique sur ce sentiment d'horreur.
— À Rome, l'inceste était prohibé par la loi et les coupables précipités de la Roche Tarpéienne.
— Extrait du « Dictionnaire des symboles »
■ Jean Chevalier — Alain Gheerbrant —