02 mars 2025

≡ La Montagne Sainte

Paul Cézanne — Montagne Sainte-Victoire — Vers 1890 — Huile sur toile



Dans Les Jours Anciens, Lorsque Le Premier Frémissement De Parole Vint À Mes Lèvres, Je Gravis La Montagne Sainte Pour M'adresser À Dieu, Disant : 



« Maître, je suis Ton esclave. Ta volonté cachée est ma loi, et je T'obéirai à jamais. »



Mais Dieu ne répondit pas et disparut, telle une puissante tempête.



— Mille ans plus tard, je gravis la montagne sainte et, de nouveau, je parlai à Dieu, disant :



« Créateur, je suis Ta création. Du limon de la Terre Tu m'a façonné, et à Toi je me dois tout entier. »



Et Dieu ne répondit pas, mais disparut, comme un millier d'ailes agiles. 



— Mille ans plus tard, je gravis la montagne sainte et m'adressai de nouveau à Dieu, disant :



« Père, je suis Ton fils. Par pitié et amour, Tu m'as donné naissance et, à travers l'amour et l'adoration, j'hériterai de Ton royaume. » 



Mais Dieu ne répondit toujours pas et disparut, comme la brume qui voile les lointaines collines.



— Mille ans plus tard, je gravis la montagne sainte pour parler, de nouveau, à Dieu, disant :



« Mon Dieu, mon but et mon accomplissement; je suis Ton Hier, et Tu es Mon demain. Je suis Ta racine dans la Terre, et Tu es ma fleur dans le Ciel, et ensemble nous croissons à la face du Soleil. »



Dieu Se Pencha Alors Sur Moi Pour Me Susurrer À L'oreille Des Mots Pétris De Douceur Et M'enlaça, Comme La Mer Enlace Le Ruisseau Qui Coule Vers Elle.


Et Quand Je Descendis Dans Les Vallées Et Les Plaines,


Dieu Y Était Aussi. 




— Extrait de « Le Fou » (The Madman)

— New York City, 1918 — 




Khalil Gibran —