Contrainte par la justice de démonter sa statue de Jeanne d’Arc, la Ville de Nice… coule du béton autour du socle
≈ Symbole d’une bataille judiciaire et politique, la statue de la « Pucelle d’Orléans » cristallise les tensions entre le maire Christian Estrosi et le préfet Hugues Moutouh. Alors que la justice ordonne son démontage, la ville fait tout pour la préserver.
• Épisode après épisode, le feuilleton se poursuit. Dévoilée au public le 23 octobre dernier devant l’Église Sainte-Jeanne-d’Arc, à Nice (Alpes-Maritimes), une monumentale statue de la « Pucelle d’Orléans » est devenue au fil des mois un terrain d’affrontement, voire de règlement de comptes entre le maire Christian Estrosi et le préfet Hugues Moutouh.
— En cause : la procédure d’attribution de ce marché, d’un montant de 170.000 € hors taxes. Celui-ci aurait été passé par la régie métropolitaine des parcs de stationnement avec l’atelier Missor sans publicité ni mise en concurrence, la métropole invoquant des raisons artistiques particulières.
• Un argument qui n’a pas empêché le préfet Moutouh de contester la légalité de la démarche et de saisir le tribunal administratif. Le 14 janvier, la juridiction a donné raison au représentant de l’État, considérant que le manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence constitue un vice grave. Le marché a alors été annulé. Une décision qui implique le démontage de la statue et le remboursement par le prestataire des sommes versées.
• Or, plutôt que de s’exécuter, la collectivité « Estrosiste » n’a eu de cesse de s’opposer et de s’en prendre au préfet. « Quand la France peine à trouver son cap dans une période d’instabilité inédite, voilà que son représentant s’en prend à la figure de Jeanne d’Arc que nous avons souhaité incarner par l’installation d’une statue de bronze face à l’église dédiée à l’héroïne », avait alors déclaré l’édile niçois par voie de communiqué, annonçant par la même occasion que la régie métropolitaine faisait appel. Et d’ajouter, provocateur : « Les ‹ déboulonneurs › de notre grand destin national peuvent passer leur chemin. »
■— Provocation—
• Hugues Moutouh s’était alors empressé d’adresser un courrier à la métropole « pour lui rappeler qu’elle devait exécuter le jugement sans délai ». Or, non seulement la statue n’a pas été retirée de son socle, mais celui-ci a même été renforcé lundi par un enrobé de béton visant à pérenniser la sculpture, a-t-on appris mardi, confirmant une information de France 3 Provence-Alpes-Côte d’Azur.
« Quoi qu’il arrive, la statue a vocation à rester ici, et nous ferons le nécessaire pour qu’elle reste ici. Elle appartient à ce parvis, elle appartient à cette église, elle appartient à ce quartier », a déclaré sur place Gaël Nofri, adjoint au maire, à la télévision locale.
• Une énième provocation à l’endroit du préfet à laquelle celui-ci ne souhaite pas réagir. « En soi, nous sommes encore dans ce que l’on appelle le délai raisonnable d’exécution », analyse un connaisseur du dossier.
• Deux semaines après l’annulation de son contrat, l’atelier Missor avait à son tour annoncé dans nos colonnes faire appel de cette décision et demander un sursis à l’exécution. Évoquant sa possible faillite, le collectif niçois avait invité ses soutiens à contribuer à la cagnotte en ligne lancée à son profit par André Barthe, ancien adjoint à la culture de Nice, et le prince descendant Joachim Murat, qui se présente sur son compte X comme « Gaullo-Bonapartiste ».
• La ville elle-même avait appelé « tous les concitoyens de Nice et d’ailleurs » à participer à cette cagnotte. Mercredi, elle avait collecté près de 50.000 euros sur les 170.000 espérés.
— Jeudi 6 mars 2025
■—Nicolas Daguin —