09 mars 2025

≡ La Pucelle d’Orléans Se Bat

Contrainte par la justice de démonter sa statue de Jeanne d’Arc, la Ville de Nice… coule du béton autour du socle



Symbole d’une bataille judiciaire et politique, la statue de la « Pucelle d’Orléans » cristallise les tensions entre le maire Christian Estrosi et le préfet Hugues Moutouh. Alors que la justice ordonne son démontage, la ville fait tout pour la préserver.


Épisode après épisode, le feuilleton se poursuit. Dévoilée au public le 23 octobre dernier devant l’Église Sainte-Jeanne-d’Arc, à Nice (Alpes-Maritimes), une monumentale statue de la « Pucelle d’Orléans » est devenue au fil des mois un terrain d’affrontement, voire de règlement de comptes entre le maire Christian Estrosi et le préfet Hugues Moutouh. 


— En cause : la procédure d’attribution de ce marché, d’un montant de 170.000 € hors taxes. Celui-ci aurait été passé par la régie métropolitaine des parcs de stationnement avec l’atelier Missor sans publicité ni mise en concurrence, la métropole invoquant des raisons artistiques particulières.


Un argument qui n’a pas empêché le préfet Moutouh de contester la légalité de la démarche et de saisir le tribunal administratif. Le 14 janvier, la juridiction a donné raison au représentant de l’État, considérant que le manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence constitue un vice grave. Le marché a alors été annulé. Une décision qui implique le démontage de la statue et le remboursement par le prestataire des sommes versées.


Or, plutôt que de s’exécuter, la collectivité « Estrosiste » n’a eu de cesse de s’opposer et de s’en prendre au préfet. « Quand la France peine à trouver son cap dans une période d’instabilité inédite, voilà que son représentant s’en prend à la figure de Jeanne d’Arc que nous avons souhaité incarner par l’installation d’une statue de bronze face à l’église dédiée à l’héroïne », avait alors déclaré l’édile niçois par voie de communiqué, annonçant par la même occasion que la régie métropolitaine faisait appel. Et d’ajouter, provocateur : « Les ‹ déboulonneurs › de notre grand destin national peuvent passer leur chemin. » 



Provocation—



Hugues Moutouh s’était alors empressé d’adresser un courrier à la métropole « pour lui rappeler qu’elle devait exécuter le jugement sans délai ». Or, non seulement la statue n’a pas été retirée de son socle, mais celui-ci a même été renforcé lundi par un enrobé de béton visant à pérenniser la sculpture, a-t-on appris mardi, confirmant une information de France 3 Provence-Alpes-Côte d’Azur. 


« Quoi qu’il arrive, la statue a vocation à rester ici, et nous ferons le nécessaire pour qu’elle reste ici. Elle appartient à ce parvis, elle appartient à cette église, elle appartient à ce quartier », a déclaré sur place Gaël Nofri, adjoint au maire, à la télévision locale. 


Une énième provocation à l’endroit du préfet à laquelle celui-ci ne souhaite pas réagir. « En soi, nous sommes encore dans ce que l’on appelle le délai raisonnable d’exécution », analyse un connaisseur du dossier.


Deux semaines après l’annulation de son contrat, l’atelier Missor avait à son tour annoncé dans nos colonnes faire appel de cette décision et demander un sursis à l’exécution. Évoquant sa possible faillite, le collectif niçois avait invité ses soutiens à contribuer à la cagnotte en ligne lancée à son profit par André Barthe, ancien adjoint à la culture de Nice, et le prince descendant Joachim Murat, qui se présente sur son compte X comme « Gaullo-Bonapartiste ».


La ville elle-même avait appelé « tous les concitoyens de Nice et d’ailleurs » à participer à cette cagnotte. Mercredi, elle avait collecté près de 50.000 euros sur les 170.000 espérés.




— Jeudi 6 mars 2025




Nicolas Daguin —