≈ Paris, 1867 — L'avenir…
仝 Au vingtième siècle, il y aura une nation extraordinaire.
Cette nation sera grande, ce qui ne l'empêchera pas d'être libre.
Elle sera illustre, riche, pensante, pacifique, cordiale au reste de l'humanité.
Elle aura la gravité douce d'une aînée.
Elle s'étonnera de la gloire des projectiles coniques, et elle aura quelque peine à faire la différence entre un général d'armée et un boucher ; la pourpre de l'un ne lui semblera pas très distincte du rouge de l'autre.
Une bataille entre Italiens et Allemands, entre anglais et Russes, entre Prussiens et Français, lui apparaîtra comme nous apparaît une bataille entre Picards et Bourguignons.
Elle considérera le gaspillage du sang humain comme inutile.
Elle n'éprouvera que médiocrement l'admiration d'un gros chiffre d'hommes tués.
Le haussement d'épaules que nous avons devant l'inquisition, elle l'aura devant la guerre. (....)
Cette nation aura pour capitale Paris et ne s'appellera point la France ; elle s'appellera l'Europe.
Elle s'appellera l'Europe au vingtième siècle, et, aux siècles suivants, elle s'appellera l'Humanité
L'Humanité, nation définitive, est dès à présent entrevue par les penseurs, ces contemplateurs des pénombres ; mais ce à quoi assiste le dix-neuvième siècle, c'est à la formation de l'Europe."
■—Victor Hugo (1802-1885)—