07 mai 2001

Le Rite Écossais Rectifié


Le Rite Écossais Rectifié

Le Rite Écossais Rectifié Est Un Système Maçonnique Et Chevaleresque, Constitué En France Dans La Deuxième Moitié Du 18e Siècle.

Le Rite Écossais Rectifié, et le Régime qui lui sert de vecteur, se distinguent des autres systèmes maçonniques tant par leur genèse très claire, dont on connaît précisément toutes les étapes, ainsi que tous les acteurs qui furent au centre de leur développement.

Une cohérence exceptionnelle, essentiellement due au fait que les fondateurs du Régime et les rédacteurs du Rite avaient une idée extrêmement précise du résultat final qu'ils voulaient obtenir.

Ils ont su manier avec une grande habileté, des matériaux symboliques et rituels d'origines différentes, pour en faire naître une œuvre homogène, pédagogique, initiatique.

Le Rite Écossais Rectifié est ainsi véhiculé par une organisation structurelle – le Régime écossais Rectifié – 

Originellement articulée en trois classes de métier, chevaleresque et sacerdotal, reproduisant les trois divisions supérieures de toute société traditionnelle, dont seules les deux premières sont aujourd'hui régulièrement pratiquées en France.

Il A Pour Principes De Base :

— La fidélité à la religion chrétienne,

— L’attachement au respect d'une part des anciennes obligations de l'Ordre Maçonnique, c'est-à-dire des règles traditionnelles de la Franc-Maçonnerie Régulière, d'autre part des principes et traditions maçonniques et chevaleresques propres au Régime, résultant notamment des Convents de Lyon en 1778 et de Wilhelmsbad en 1782,

— Le perfectionnement spirituel de ses membres, par la pratique de l'action que tout homme doit faire sur lui-même pour vaincre ses passions, corriger ses défauts et progresser vers la réalisation spirituelle, et l'approfondissement de l'ésotérisme chrétien.

— La pratique constante d'une bienfaisance éclairée envers tous les hommes. 

I - Histoire du Régime

Le Régime Écossais Rectifié a été constitué et organisé entre 1774 et 1782 par deux groupes de maçons strasbourgeois et lyonnais, dont les plus importants furent Jean et Bernard de Turkheim et Rodolphe Saltzmann à Starsbourg, et celui qui en fut le principal inspirateur, le maçon lyonnais Jean-Baptiste Willermoz. 

La fondation du Régime Écossais Rectifié est sous-tendue par une idée centrale qui durant toute sa vie a habité l'homme qui fut au centre de cette naissance, Jean Baptiste Willermoz.

Intimement persuadé que la franc-maçonnerie était le véhicule de vérités supérieures, que son véritable objet était d'éclairer l'homme sur sa destinée spirituelle, 

mais aussi de lui donner les moyens de réintégrer son état primordial, Jean-Baptiste Willermoz allait, sur le fondement de cette idée directrice, et dans l'unique but de rendre réelles et actives les potentialités et virtualités inscrites dans l'essence même de l'homme, 

Être l'architecte en chef de la construction du Régime et du Rite Écossais Rectifié, et imprégner sa construction de la doctrine qu'il contient.

Les sources de ce Rite sont multiples :

1. La maçonnerie française en usage au 18e siècle et plus précisément le rite français.

2. La Stricte Observance, système maçonnique et chevaleresque allemand

3. La doctrine martinésienne, transmise par Dom Martines de Pasqually, et l'Ordre des Elus Cohens,

4. La tradition chrétienne indivise, nourrie des enseignements des pères de l'Église.

À ces sources, l'on peut rajouter, bien que n'en constituant pas une source directe, mais procédant de la même inspiration originelle, la doctrine du Philosophe Inconnu, Louis-Claude de Saint-Martin. 

Le Rite Français

La maçonnerie française de la fin du 18e siècle, qui sera plus tard structurée en un système appelé Rite Français, avec ses trois grades et ses quatre ordres, et la multiplicité de grades ou de systèmes « écossais » existant à l'époque, donnera la forme purement maçonnique qui servira de réceptacle ou de porte-greffe aux ajouts qui proviendront des autres sources. Du rite français, seront notamment conservés, la position de la colonne J., l'attribution des lettres aux deux premiers grades, l'emplacement des surveillants, la marche en partant du pied droit, le port de l'épée en Loge par les frères et un certain nombre d'usages pratiqués dès cette époque sur le continent.

La Stricte Observance Templière
La Stricte Observance Templière, ou maçonnerie rectifiée de Dresde, système maçonnico chevaleresque d'origine germanique, fondée entre 1751 et 1755 par Charles de Hund, baron d'empire, seigneur de Lipse en Haute Lusace, et qui fut conçu comme cadre d'une réforme morale de la société des maçons allemands, réunissant en son sein une partie de la noblesse allemande, se voulait l'héritier et le continuateur de l'Ordre du Temple, dont elle prétendait détenir les connaissances spirituelles qu'étaient censés posséder les Templiers, et projetait la restauration de l'Ordre, aboli en 1312.

La Stricte Observance comprenait un Ordre Intérieur de chevalerie en deux grades (le noviciat, classe préparatoire au second grade où l'on était armé chevalier), souché sur une classe maçonnique en quatre grades (Apprenti, Compagnon, Maître, Maître Écossais), principe que l'on retrouvera précisément dans le Régime Écossais Rectifié.

Le Rite Français et Stricte Observance furent ainsi les deux sources formelles qui servirent de réceptacle à l'élément le plus essentiel au regard des attentes de Jean Baptiste Willermoz, l'enseignement de Martines de Pasqually.

Martines de Pasqually et l'Ordre des Elus Cohens

Personnage énigmatique qui naquit selon certaines sources en 1710, selon d'autres en 1727, à Grenoble, Dom Martines de Pasqually, parfois appelé Pasqually de la Tour, ou encore Latour de las Cases, mourut à Port-au-Prince le 20 septembre 1774.

Catholique issu d'une famille d'origine espagnole ou portugaise, vraisemblablement d'origine maranne, Martines de Pasqually s'impose d'emblée comme un grand théosophe, mage aux pouvoirs soulignés, révéré par ses disciples comme un maître en possession de connaissances merveilleuses, doué de pouvoirs transcendants exceptionnels, thaumaturge et théurge.

Sa doctrine, qui devait inspirer Jean-Baptiste Willermoz, et se trouve au centre du système qui deviendra l'ordre des Chevaliers Élus Coéns de l'Univers, plus communément appelé ordre des Élus Cohen, exposée dans son ouvrage inachevé, « Le traité sur la réintégration des êtres dans leurs premières propriétés, vertu et puissance spirituelle divine », expose l'histoire ontologique de l'homme, de son origine divine, de sa chute de son état originel glorieux, et des moyens de la réintégration, par l'initiation, dans cet état primordial.

La genèse du Régime

Jean Baptiste Willermoz, est intimement convaincu depuis son entrée dans l'Ordre que la maçonnerie a pour but « d'éclairer l'homme sur sa nature, sur son origine et sur sa destination ».

Fortement impressionné par l'enseignement théosophique et théurgique de Martines, immédiatement convaincu qu'il se trouvait au contact d'une doctrine purement traditionnelle, dans laquelle il voyait la vérité même de la maçonnerie, et soucieux de la diffuser et de la faire partager, Jean-Baptiste Willermoz va se consacrer à intégrer cet enseignement, joint à la tradition ésotérique chrétienne, dans le cadre maçonnique, en faisant ainsi le fond doctrinal du Régime.

Pensant dans un premier temps avoir trouvé dans la Stricte Observance l'asile idéal pour sa doctrine, il s'aperçut rapidement que le système de Hund ne correspondait pas, dans sa perspective essentiellement temporelle, à son dessein. Il en retiendra quelques éléments essentiels à partir desquels il élaborera le Régime Écossais Rectifié, qui sera le moyen de diffusion des vérités qui lui ont procuré, dira-t-il « cette paix intérieure de l'âme ».

Structure du Régime

Tel que voulu par Jean Baptiste Willermoz, le Régime Écossais Rectifié était à l'origine conçu selon les divisions de toute société traditionnelle, en trois classes concentriques correspondant chacune à une initiation spécifique. 

— Une classe maçonnique comprenant quatre grades symboliques : Apprenti, compagnon, maître, maître écossais de Saint-André;

— Une classe chevaleresque, l'Ordre intérieur, comprenant deux grades : Ecuyer novice et Chevalier Bienfaisant de la Cité Sainte
;

— Une classe sacerdotale secrète comprenant deux catégories : les Profès et Grands Profès.

En outre, il superposait au cheminement initiatique rituel, de grade en grade, un enseignement doctrinal de plus en plus précis et explicite, délivré par le biais d'instructions, parties intégrantes des rituels de chaque grade. 

Cette transformation de la Stricte Observance en Régime Écossais Rectifié, et l'ensemble de l'édifice structurel, rituel et doctrinal en résultant seront officiellement approuvés par deux Convents :

— Le Convent des Gaules, qui se tint à Lyon en novembre – décembre 1778, qui ratifia notamment le Code maçonnique des Loges réunies et rectifiées et le Code de l'Ordre des Chevaliers Bienfaisants de la Cité Sainte, qui demeurent les textes fondateurs, toujours en vigueur, du Régime;

— Le Convent de Wilhelmsbad, qui se tint en Allemagne en août – septembre 1782, sous la présidence du duc Ferdinand de Brunswick-Lunebourg, et du prince Charles de Hesse, alors principaux dirigeants de la Stricte Observance, et qui se rallièrent à la réforme issue du Convent des Gaules

Selon les décisions du Convent des Gaules, confirmées au Convent de Wilhelmsbad, le Régime Écossais Rectifié avait rejeté la théorie soutenue par la Stricte Observance de la filiation historique avec l'Ordre du Temple, n'en conservant que le principe d'une filiation spirituelle, fondée sur la participation à une tradition commune, mise en évidence par la dénomination de « Chevaliers Bienfaisants de la Cité Sainte »

En outre, la dernière classe secrète, la Profession, vouée à l'approfondissement, par l'étude et la méditation, de la doctrine exposée dans les textes et à la vivification, par l'exemple, de l'ensemble de l'Ordre, et qui, dans l'esprit de Willermoz  devait servir de seuil à l'accès au grade de Réaux-Croix, dernier grade de l'Ordre des Élus Cohen, ne fut pas entérinée lors du Convent de Wilhemsbad, bien qu'elle continuât à être pratiquée secrètement.

Sur le plan temporel, le Régime reprenait, avec quelques adaptations, la division géographique de la Stricte Observance, inspirée de celle de l'Ordre du Temple, en neuf Provinces, la France étant divisée en trois Provinces : Auvergne, Occitanie, Bourgogne. Lors de l'éclipse de l'Ordre, pendant le 19e siècle, le Grand Prieuré Indépendant d'Helvétie, héritier de la 5e Province de l'Ordre, Province de Bourgogne, recueillit les sceaux et pouvoirs des deux autres Provinces, devenant ainsi le conservateur du Régime dans le monde.

Réveillé en France en 1910 par Édouard de Ribeaucourt, le Rite Écossais Rectifié sera en 1913 avec la Respectable Loge le Centre des Amis N° 1, à l'origine de la restauration de la maçonnerie régulière en France, par la fondation de la Grande Loge Nationale Indépendante et Régulière pour la France et les Colonies, devenue depuis Grande Loge Nationale Française. Il est aujourd'hui pratiqué dans la régularité en France par plus de 4.500 maçons rectifiés.

II - Le Régime Écossais Rectifié régulier en France aujourd'hui

Structures administratives du Régime

 Le Régime Écossais Rectifié régulier est aujourd'hui régi en France par trois juridictions en amitié :

– La Grande Loge Nationale Française (GLNF) régit les grades d'Apprenti, Compagnon et Maître au sein des Loges de Saint-Jean;

– Le Directoire National des Loges Écossaises Rectifiées de France (DNLERF) régit le grade de Maître Écossais de Saint-André au sein des Loges Écossaises, ou Loges de Saint-André;

– Le Grand Prieuré Rectifié de France (GPRF) régit l'Ordre Intérieur.

Le Grand Prieuré Rectifié de France a reçu du Grand Prieuré Indépendant d'Helvétie, conservateur du Régime, en présence des représentants de tous les Grands Prieurés Rectifiés réguliers du monde, les chartes et lettres patentes l'autorisant à créer et consacrer toutes Préfectures, Commanderies, et Loges de Saint-André en France. Il est de ce chef devenu le continuateur légitime des IIe et IIIe Provinces de l'Ordre, les Provinces d'Auvergne et d'Occitanie.

Le GPRF et le DNLERF, bien que juridiquement distincts, sont liés organiquement par un concordat aux termes duquel le Directoire se place sous l'obédience maçonnique du Grand Prieuré.

 En outre, par décret de son Grand Maître, la GLNF a consacré ses liens d'amitié avec les deux autres juridictions du Régime.

Le Grand Prieuré Rectifié de France est régi, sous l'autorité du Grand Prieur – Grand Maître National, par un Haut Conseil, composé de Grands Dignitaires du Régime, et par le Chapitre Prieural. Il est divisé en Préfectures, elles-mêmes réparties en Commanderies regroupant au moins trois chevaliers.

Le Directoire National des Loges Écossaises Rectifiées de France est placé sous l'autorité du Député-Maître Général élu par le Directoire National, et assisté du Conseil National, composé des Grands Officiers Actifs et de membres cooptés. Il est divisé en Directoires Provinciaux, composés de Respectables Loges Écossaises.

Structure rituelle du Régime

Le Régime Écossais Rectifié est aujourd'hui constitué de six grades, répartis en deux classes :

La classe symbolique, où est conférée l'initiation maçonnique proprement dite.

Elle comprend quatre grades :

– Trois grades pratiqués dans les Loges de Saint-Jean, dites « Loges bleues », à cause de la couleur de leurs décors : Apprenti, Compagnon, et Maître, conçus comme des grades préparatoires conduisant graduellement à la réalisation effective proposée par le Rite
;

– Un grade pratiqué dans les Loges Écossaises, ou Loges de Saint-André, dites « Loges vertes » 

pour les mêmes raisons : le grade de Maître Écossais de Saint-André, synthèse de l'ensemble des « hauts grades » pratiqués au 18e siècle, qui récapitule et achève l'initiation dispensée dans les trois précédents grades, et la mène à son accomplissement. Grade charnière qui achève l'initiation symbolique et prépare à la réalisation effective proposée par la classe suivante, il complète l'édifice proprement maçonnique du Régime, et offre au Maître Écossais de Saint-André une vision du cheminement initiatique effectif et graduel qui le conduira à la réintégration en Dieu et à la contemplation intérieure de la Jérusalem Céleste.

Cette classe symbolique est essentiellement axée sur la réédification mystique du Temple de Salomon, ou reconstruction effective du Temple intérieur de l'Homme, afin d'y rétablir le culte et l'unité avec Dieu, par l'approfondissement de la foi, la pratique assidue des vertus chrétiennes, la compréhension profonde de la doctrine du Régime et de l'ésotérisme chrétien.

Si le Maître Écossais de Saint-André démontre qu'il a effectivement mis en œuvre le processus de réalisation spirituelle proposé par la classe symbolique, il peut alors accéder à l'Ordre Intérieur.

L’ordre Intérieur, Ordre De Chevalerie Chrétien.

Contrairement à nombre de « hauts grades », l'Ordre Intérieur n'est ni un grade philosophique, ni un grade « chevaleresque ». Il consiste en une mise en œuvre effective du travail de réalisation spirituelle, selon les enseignements intégrés dans les grades symboliques, par la pratique active de la bienfaisance et des vertus chrétiennes, et l'action désintéressée sur soi et dans le monde.

Il comprend un grade préparatoire, celui d'Ecuyer Novice. Cette qualité n'est pas définitive, et doit conduire l'Écuyer à l'armement ou à la rétrogradation dans la classe symbolique. Il s'agit d'une étape de préparation intérieure, d'une durée minimale de deux ans, pendant laquelle l'Écuyer devra tenter de percevoir en lui la dimension spirituelle propre à l'Ordre Intérieur, et se préparer activement à intégrer l'état de Chevalier. Son aboutissement est manifesté par l'émergence, exprimée en mode héraldique, de l'identité propre du futur Chevalier, armes, nom et devise.

Le dernier grade de l'Ordre Intérieur, Chevalier Bienfaisant de la Cité Sainte est en réalité un état spirituel, une qualité conférée par la cérémonie d'armement, conduite selon l'ancienne tradition de la Chevalerie. Le Chevalier Bienfaisant de la Cité Sainte est un homme libre, en voie de réalisation effective, voué au service de Dieu, de ses Frères, et de tous les hommes, notamment par l'exercice de la bienfaisance active. Il poursuit sa quête intérieure avec les armes spirituelles qui lui ont été conférées lors de son armement, qui le définissent et l'accompagnent à chaque pas de son existence.

Ordre initiatique chrétien, s'inscrivant dans le cadre de la franc-maçonnerie régulière universelle, le Régime Écossais Rectifié permet à chacun, quelle que soit sa confession, selon ses moyens et sa volonté, et s'il le souhaite sincèrement, de suivre, sous ses formes rituelles spécifiquement chrétiennes, la Parole du Christ qui s'adresse, sans exclusive, à tous ceux qui viennent à lui.

Il propose ainsi une authentique voie initiatique de réalisation spirituelle, permettant à ses adeptes d'atteindre en vérité, par la mise en œuvre des vertus théologales de foi, d'espérance et de charité, avec l'aide de la grâce divine et par l'intercession du Verbe de Dieu.

L’état de réintégration, c'est-à-dire la restauration de l'état d'unité primordiale de l'Homme avec Dieu, but réel de toute voie initiatique traditionnelle.

— Lundi 7 Mai 2001


▲ Aron O’Raney —