01 juillet 2018

En Parlant De Ma Mère…



En Parlant De Ma Mère1


Une Actualité Récente, Ma Fait Découvrir Une Affection Appelée « Lypémanie ». J’ai Ainsi Appris Qu’il S’agissait D’un Trouble Permanent De L’humeur Apparenté À Une Mélancolie Extrême.

Cette découverte inattendue a eu pour effet de me replonger aussitôt dans les souvenirs de l’enfance et de l’adolescence.

Dans ma prime enfance, je l’ignorais, mais l’indicible tristesse que je lisais fréquemment dans les yeux de ma mère devait être alors certainement quelque chose de plus profond et incisif que la mélancolie « ordinaire ».

Enfant puis adolescent, j’ai ressenti confusément au fil des jours, la souffrance insidieuse et muette de ma mère et je me suis senti investi aussi par cette peine.

J’ai vu et vécu, avec la tristesse silencieuse de ma mère, observant parfois ses rares manifestations de joie, et ses quelques rires et petits sourires, souvent empreints d’une tristesse voilée, mais perceptible.

J’ai toujours été proche d’elle, et il est vrai que je lui ressemblais vraiment au physique, yeux bleus, peau claire, comme au moral, avec la douce mélancolie qui m’accompagnait souvent.

Je crois que ma mère n’avait aucun confident, personne avec qui partager ce qui la tourmentait ; et il me semble, hormis la compassion de ma grand-mère, que nul dans ma famille n’avait réellement conscience de sa détresse.

À la maison, je remarquais parfois chez elle sa démarche mal assurée, avant qu’elle ne s’adosse à un mur de l’appartement, pour reprendre sans doute ces esprits. 

S’agissait-il d’une fatigue passagère, ou de toute autre chose, je l’ignorais ?


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Avec le recul et le détachement, j’ai le sentiment que ma mère attendait peut-être depuis toujours, l’Extraordinaire, l’Événement heureux, enfin quelque chose d'exceptionnel qui la sortirait de cette étrange et triste léthargie.


Nous étions cinq enfants, et au sein de la fratrie, il me semble avoir toujours été celui qui était le plus conscient de sa souffrance ; c’est pourquoi je croyais naïvement la soulager de sa peine, en participant à certains petits travaux et tâches ménagères.

J’ai aujourd’hui seulement, à un âge bien avancé, la quasi-certitude que ma mère devait souffrir à cette époque de cette fameuse affection appelée « Lypémanie » dont j’ai appris l'existence.

N’avoir aucun désir ni envie, demeurer dans l’expectative d’un événement, qui pourrait combler la solitude intérieure ; nombreux sont ceux qui attendent, attendent encore, et encore…

J’ai vécu et vis encore, avec l’étrange certitude d’avoir beaucoup pris à ma mère. 

J’attends aussi de cette vie, un je ne sais quoi qui n’arrive pas. 

Serait-ce l’arrivée d'une paix intérieure, la découverte d'un dernier refuge, ou l’acceptation de soi et de ce qui est là maintenant,

 je ne saurais le dire…


— Samedi 23 Juin 2018


▲ Aron O’Raney —