Asma et Bachar el-Assad. Balkis Press/ABACA
PORTRAIT – L’épouse du dictateur syrien renversé ce dimanche par la coalition rebelle aurait trouvé refuge à Moscou avec sa famille. Longtemps visage glamour et moderne de la Syrie, elle est devenue, au fil des années, le symbole d’un régime répressif.
◆ Elle fut la femme la plus puissante de Syrie.
L’ancienne « Rose du désert » est aujourd’hui exilée, chassée par les rebelles de son pays, réfugiée à Moscou avec ses enfants et son mari, Bachar el-Assad, dictateur sanguinaire tombé en disgrâce ce dimanche sous le feu d’une offensive syrienne menée par le groupe islamiste Hayat Tahrir al-Sham.
Asma el-Assad, première dame autrefois adulée par les magazines, a incarné, un temps – quoique bref – le visage du changement et l’espoir d’un renouveau face au régime répressif de sa belle-famille, le clan Assad, régnant sur la Syrie depuis cinq décennies.
Mais sa solidarité affichée envers son époux en 2012, aux prémices d’une guerre civile qui allait devenir l’une des plus sanglantes de ce siècle, l’a précipitée de son piédestal de « Kate Middleton du Moyen-Orient ».
À l’époque, elle ironisait sur son statut dans une correspondance relayée par le Guardian : « Dans la famille, c’est moi la dictatrice. » Douze ans plus tard, c’est à Marie-Antoinette qu’on la compare. Sa tête, désormais, est appelée à la guillotine.
◆ Un Amour Avorté
Asma Fawaz Al-Akhras, de son vrai nom, rencontre Bachar el-Assad en 1992 lors d’une soirée à l’ambassade de Syrie au Royaume-Uni. Elle a alors 17 ans, lui en a 27. Originaire d’Acton, une banlieue londonienne, elle est la fille d’un cardiologue et d’une diplomate, tous deux Anglo-Syriens.
Diplômée en informatique et littérature française du prestigieux King’s College, elle ne manque pas d’attirer l’attention du jeune médecin spécialisé en ophtalmologie, alors installé en Grande-Bretagne.
Selon un ancien diplomate cité par Le Point en 2020, Bachar el-Assad fut immédiatement séduit par cette « magnifique beauté arabe aux traits fins, malgré sa confession sunnite ». Leur relation, pourtant, est brutalement interrompue en 1994 par la mort de Bassel el-Assad, frère aîné et héritier désigné de la présidence syrienne. Le destin bascule.
Bachar doit rentrer en Syrie pour se préparer à succéder à son père, Hafez el-Assad. Asma accepte son départ, et se consacre à sa carrière prometteuse. Elle devient banquière, travaillant d’abord à la Deutsche Bank de Londres, puis se spécialise dans les fusions-acquisitions chez JP Morgan, en Angleterre et New York.
◆ Un Atout Glamour
À la mort de Hafez el-Assad en 2000, Bachar est propulsé à la tête du gouvernement syrien.
Il renoue avec Asma et l’épouse six mois plus tard dans la plus stricte intimité, comme le veut la tradition. À 35 ans, il est président ; elle, 25 ans, devient première dame. Son arrivée à Damas est accueillie avec méfiance par sa belle-famille, en particulier par la mère et la sœur aînée de Bachar.
Malgré tout, elle parvient à s’imposer, ramenant avec elle un souffle de modernité. La presse et les citoyens voient en elle un visage moins répressif, porteur d’espoir.
En 2011, un an avant les soulèvements du printemps arabe, Vogue lui consacre d’ailleurs un portrait dithyrambique. On la décrit comme « glamour, jeune et très chic », une première dame « fraîche et magnétique ». Les médias se déchaînent : « la nouvelle Lady Di », « la Rose du désert »… Autant de surnoms encensant son allure.
Pendant une décennie, Asma joue donc le rôle de l’épouse modèle. Son style s’affine : colliers Chanel, talons Louboutin, robes de créateurs. Elle se voit confier des missions humanitaires, notamment à travers la fondation Syria Trust for Development, créée en 2006. Bien qu’étroitement liée au régime, cette organisation met en avant des projets en faveur des zones rurales, de la jeunesse et de la culture.
Mais cette image de modernité et de compassion s’effondre en 2012, quand Bachar el-Assad choisit la violence pour écraser l’insurrection, plongeant le pays dans une guerre civile qui fera plus de 500.000 morts en treize ans.
La complaisance d’Asma envers son mari et son régime est alors violemment critiquée. L’étoile montante de la Syrie devient le visage de la haine et les médias, autrefois fascinés, se désolidarisent : Vogue, comme d’autres, retire son portrait.
En vingt-quatre ans d’union avec Bachar el-Assad, elle donne naissance à trois enfants : deux fils, Hafez, Karim, ainsi qu’une fille, Zein, respectivement âgés aujourd’hui de 23, 19 et 21 ans.
En parallèle, elle a mené un combat acharné contre la maladie, annonçant sa rémission d’un cancer du sein en 2018, avant de révéler, en mai 2024, souffrir d’une leucémie.
Depuis la chute de Damas aux mains des rebelles, ce dimanche 8 décembre, Asma el-Assad est en fuite avec sa famille, cloîtrée, selon les médias d’État russes, à Moscou, sous la protection de Vladimir Poutine. Comme le rapporte le Parisien, elle avait assumé, en 2013, avoir « des convictions alignées » sur celles de son mari. Elle, comme lui, devenus persona non grata en leur pays.
— Le Figaro
— Publié le 9 décembre 2024
■ Léa Mabilon —