31 décembre 2024

≡ Nostradamus Et 2025…

La fin d'année est l'occasion de dépoussiérer le manuscrit de Michel de Nostredame pour y lire ses prédictions concernant l'année à venir.


Un buste de Nostradamus à Saint-Rémy-de-Provence. | Clément Bardot via Wikimedia Commons


Les prophéties de Nostradamus pour 2025 sont crédibles, mais sont-elles fiables ?



Au programme pour 2025 :


Des bouleversements politiques secouant directement l'Europe, un réchauffement climatique qui ne cesse de s'accélérer et une grave crise économique entraînant des pénuries alimentaires et médicales. Ce scénario catastrophe qui ne donne guère envie de célébrer la Saint-Sylvestre fut écrit par la plume de Michel de Nostredame, dit Nostradamus, un astrologue, apothicaire et médecin français né en 1503 à Saint-Rémy-de-Provence.


Après des années passées à voyager en France et en Italie pour étudier la médecine et élaborer de nouveaux remèdes, Michel de Nostredame retourne s'installer au sein de sa Provence natale vers le milieu du XVIe siècle. C'est ici qu'il publie, en 1550, un premier almanach contenant des prédictions pour l'année à venir. Sous le nom de « Nostradamus », il rédige ce calendrier divinatoire à partir de ses connaissances en astrologie –un domaine particulièrement étudié par les médecins de l'époque, convaincus que les mouvements des astres et des planètes exercent une influence directe sur le corps humain.


L'almanach de Michel de Nostredame devient un rendez-vous ponctuel. Chaque année, l'auteur provençal sort ses prédictions pour les douze mois à venir et commence à acquérir une certaine notoriété dans le milieu, mais ses méthodes divinatoires restent obscures. L'auteur prône le calcul astrologique, la méditation et l'élévation spirituelle en quête d'un message divin. Dans les faits, il se serait plutôt inspiré de textes anciens et de prophéties préexistantes, combinés à la lecture d'horoscopes dressés par ses propres soins, dont l'exactitude laisse à désirer.


Quoi qu'il en soit, Nostradamus passe à la vitesse supérieure en 1555 et publie Les Prophéties.


Ce vaste ouvrage, selon ses propres dires, contiendrait des prédictions pour le futur, allant jusqu'à l'an 3797. Le succès est au rendez-vous et lui ouvre les portes de la cour royale. Malgré un flot de critiques et la publication de pamphlets dénonçant ses méthodes divinatoires jugées frauduleuses, Nostradamus obtient la confiance de Catherine de Médicis.


Cette dernière le nomme médecin et conseiller de son fils, le roi Charles IX, en 1564. Peut-être a-t-elle été troublée par l'une de ses prophéties : « Le lyon jeune le vieux surmontera / En champ bellique par singulier duelle / Dans Cage d'or les yeux, luy crèvera / Deux classes une, puis mourir, mors cruelle. » Ce quatrain énigmatique aurait annoncé le décès de son mari Henri II, mort accidentellement en juin 1559 lors d'un tournoi de chevalerie, l'œil transpercé par la lance de son adversaire, le comte de Montgommery qui possédait un lion comme insigne.


Des prophéties laissant libre cours à l'interprétation


Chaque prophétie rédigée par Nostradamus se compose toujours de la sorte : une strophe de quatre vers, dénommée « quatrain », écrite dans un style obscur, mystérieux et renfermant de nombreuses figures littéraires. Le premier ouvrage publié en 1555 contient 353 prophéties divisées en centuries (une centurie contenant cent quatrains), mais de nouvelles éditions sont venues compléter le texte premier, portant le total de quatrains prophétiques rédigés par Nostradamus à 942.


Comme si cela n'était pas déjà assez complexe, Michel de Nostredame s'amuse à rédiger ses prophéties en quatre langues différentes : français, Provençal, Grec et Latin. Ces dialectes se mélangent et se confondent parfois au sein d'un même quatrain, formant un ensemble extrêmement difficile à déchiffrer et laissant le champ libre à de multiples interprétations. Résultat : Nostradamus a (volontairement ?) livré des prophéties mystérieuses, sur lesquelles les exégètes se cassent les dents et ne sont parvenus à s'accorder sur leur véritable signification.


Nostradamus aurait anticipé la fuite de Louis XVI, l'incendie de Londres ou encore les deux bombes atomiques larguées sur Hiroshima et Nagasaki.


Tout cela laisse la porte ouverte à une libre interprétation, d'autant que l'immense majorité des prophéties ne sont pas datées. Inutile de chercher l'année 2025 dans ce vaste ouvrage divinatoire : elle n'existe pas. Ainsi, les supposées prédictions de l'année à venir ne résultent que d'une interprétation subjective de quelques prophéties, savamment choisies pour coller avec le contexte mondial actuel. Et parmi 942 quatrains, rédigés dans un style si incompréhensible qu'on peut y décoder tout et son contraire, il est facile d'en rapprocher au moins un à notre réalité contemporaine.


Gare à la clairvoyance rétroactive


De cette manière, les indéfectibles convaincus des pouvoirs divinatoires de Nostradamus parviennent à assimiler ses prophéties à divers événements historiques. L'arrivée au pouvoir d'Adolf Hitler ? L'auteur provençal l'aurait prédit dans le quatrain suivant :

« Du fond de l'Ouest de l'Europe / Un jeune enfant sera né de pauvres gens / Celui qui, par sa langue séduira une grande troupe / Sa gloire augmentera vers le royaume de l'Orient. » 


L'élection de Donald Trump ? Également annoncée par Nostradamus dans ces quelques lignes :

« Le grand brailleur audacieux et sans vergogne / Sera élu gouverneur de l'armée… »


Michel de Nostredame aurait aussi anticipé la fuite et l'arrestation de Louis XVI à Varennes, l'incendie de Londres en 1666 ou encore les deux bombes atomiques larguées sur Hiroshima et Nagasaki. Comme toujours, les liens entre ses prophéties et ces pages d'histoire ont été trouvés a posteriori, en prenant du recul sur l'événement. On parle alors de clairvoyance rétroactive.


Ce même procédé a permis aux adeptes de percevoir dans un quatrain l'annonce de l'attentat du 11 septembre 2001 :

« Dans la cité de Dieu, il y aura un grand tonnerre / Deux frères seront séparés par le chaos / Pendant que la forteresse endure / Le grand meneur succombera. » 


Mais les partisans de Nostradamus se sont fait prendre à leur propre jeu. Ces quatre vers qui circulèrent beaucoup au lendemain des attentats n'étaient pas de sa plume, mais de celle d'un certain Neil Marshall, un étudiant canadien qui publia ce quatrain en 1997, pour démontrer que tout le monde peut faire du Nostradamus. Pari réussi.


Finalement, derrière les visions de Nostradamus que certains interprètent comme une porte vers l'avenir, ce texte ne serait-il pas un formidable témoin du passé et des angoisses d'antan, le cri de détresse d'un homme doté d'une profonde foi chrétienne et très affecté par les guerres de religion qui divisent les fidèles au XVIe siècle ?


Michel de Nostredame aurait alors voulu alerter les humains. Les mettre en garde face au danger de bafouer la foi, le message d'amour du Christ et de commettre des actes cruels et immoraux dans cette lutte religieuse fratricide. Quoi de mieux pour y parvenir qu'un pavé prophétique de 942 quatrains, prédisant les pires malheurs si rien ne change ?



– Édité par Louis Pillot




Théo Gripon Auer —