〓 C’est Non Seulement À Notre Époque, Mais Même Dans Le Passé Que L’homme A Pris D’abord Conscience De Sa Propre Existence Limitée, Formée De Matière Et L’a Nommé « Moi ».
• Ce n’est pas sa faute. C’est que les religions ont été interprétées avec l’intention de dominer quelques individus, de les tenir en main, comme le font les nations, de telle manière que seul celui qui déjà comprend, qui sait déjà, puisse en saisir le sens.
• Les prêtres n’accordèrent aux gens qu’une petite part de connaissance, gardant tout le reste pour eux-mêmes. Ils dirent : « Vous êtes les êtres ordinaires, Dieu est beaucoup trop élevé pour que vous Le compreniez. Nous pouvons communiquer avec Lui, nous pouvons Le connaître, mais VOUS devez rester où vous êtes. »
• Bouddha fit un grand effort là-contre durant sa vie. Quand on lui parlait de l’esprit, de Dieu, il disait : « Je ne vois pas ». Si quelqu’un faisait parade de sainteté, ou de vision spirituelle, il disait : « Je ne suis pas croyant ». Mais ce n’était pas suffisant, parce que, par là, les gens furent conduits à une autre erreur. Cela les conduisit à dire qu’il n’y a ni Dieu, ni Esprit.
• Il y avait une autre raison : ceux qui avaient la même pensée, la même croyance, ont toujours eu tendance à se mettre en groupe, à s’organiser en société pour avoir une position plus forte ; et se trouvant ainsi avec ceux qui partageaient la même foi, recevoir l’encouragement de la pensée les uns des autres. Par là ils se séparaient eux-mêmes du reste de l’humanité.
Toutefois, la croyance du mystique n’a jamais été aveugle. Il ne croit pas, il expérimente. Il expérimente qu’il est lui-même la totalité de l’Être.
• Il y a un vers d’un poète Hindoustani qui dit : Derrière la face humaine, Dieu était caché, je ne le savais pas. J’étais vraiment séparé de la Vérité, je ne le savais pas. C’est une très belle strophe et son sens est grand.
• Les religions n’ont jamais permis que cette vérité fût connue, par désir de dominer une partie de l’humanité, de l’asservir.
• Si vous vous adressez à un homme de science, il vous dira : « Je pense que Dieu n’est qu’une invention faite pour asservir les gens. Je pense qu’il n’y a que cette seule vie que nous voyons et expérimentons et rien d’autre ».
〓 En Adorant, L’homme Pense Glorifier Dieu En Réalité Il Diminue Dieu. Nous En Prenons Une Part Et L’appelons « Moi ». Nous Occupons Cette Part Et L’enlevons Donc À Dieu.
• Notre grand poète Amir a écrit : « Ne dites pas que l’homme est Dieu, car il n’est pas Dieu, et ne dites pas que l’homme est séparé de Dieu, car il n’en est pas séparé ».
• Quel rapport y a-t-il entre Dieu et l’homme, et quelle relation y a-t-il entre l’homme et Dieu ? Je me souviens que mon Murshid, lorsqu’il rencontrait quelque difficulté, avait coutume de dire, avec un profond soupir : « bändaji bechäraji » – « en venant ici, Il est venu sans appui ».
• Ce que nous appelons « Moi » est formé par les impressions tombées sur l’âme, par les impressions du monde extérieur, du monde d’illusion.
• Un tout petit enfant ne dira jamais « Moi », s’il a quelque chose dans la main et que vous lui enleviez cet objet, cela lui est égal. Il ne distingue pas la vieillesse de la jeunesse. Quiconque l’approche, ami ou ennemi, est pareil pour lui.
• L’intellect qui reconnaît les choses par ce qui les distingue et leurs différences a abusé l’âme.
• Nous pouvons le voir parce que ce que nous appelons « Moi » n’est pas la vraie nature de notre âme.
• Nous pouvons le voir parce que nous ne sommes jamais heureux. Quoi que nous fassions, quoi que nous aimions, quelque degré d’influence que nous ayons, nous ne pouvons jamais être heureux.
• Nous disons : « Ceci ou cela nous rend malheureux » mais ce ne sont pas les circonstances qui nous rendent malheureux. C’est l’âme qui est malheureuse d’être ainsi séparée.
• Quelqu’un voit son vêtement usé, pauvre et dit : « Je suis pauvre ». S’il se voit dans des vêtements magnifiques, il pense : « Je suis magnifique ». Ce n’est pas lui qui est magnifique, c’est son habit.
• L’âme reconnaît comme son « Moi » tout ce qui se trouve devant elle. Voyons ce qui est ce « Moi ».
• Le vêtement n’est pas « Moi » parce que le vêtement enlevé, le « Moi » demeure. Quand nous n’expérimentons pas avec les sens, la conscience demeure encore.
• Le Soufi, par l’inactivité des sens, la concentration, les postures et les positions, engendre l’inactivité ; puis, par la répétition du nom de Dieu, il immerge sa conscience dans la Conscience Totale, en Dieu. La philosophie grecque l’avait compris, les védantistes aussi l’ont compris.
• Le Soufi garde l’adoration, le respect qu’il avait pour Dieu, il se prosterne encore devant Lui. Il garde le beau Nom de « Bien-Aimé » donné à Dieu. Il comprend par là que : « ceci aussi est Dieu » ; il Le glorifie, il ne le diminue pas. Avec toute son humilité, toute sa dévotion, il réalise son unité avec l’Être le plus élevé.
— 1978 Conférences De Londres
— Extrait de la Revue « La Pensée Soufie » No 57
■— Hazrat Inayat Khan —