On arrive au désert
Le jour
Où on découvre
Qu’on y a toujours été
Ce qui nous cachait le désert ?
Un certain confort
Un certain oubli
Mais il était là
Fidèle, tenace
Il n’y avait que des illusions
À perdre
Quelques honorabilités.
On se découvre soi-même
Le jour où on se découvre
Comme ayant toujours été
Découvert...
Le Roi a toujours été nu
Sous ses armures.
On ne se couche pas deux fois
Sur la même dune
Il n’y a que de l’« En-train d’Être »
Le langage immobilise ou découpe
Un moment de cet « En-train »
Il manque sans cesse le Réel
Qui est mouvement
Coup de sang dans l’homme
Coup de vent dans les sables
Ne parle pas de l’eau de ta carafe
Comme d’un grand fleuve
Bois
Et souviens-toi de ce qui ruisselle.
Le mot désert
Immobilise
Ce que le monde est en train de devenir
Ou ce qu’il était avant.
Le mot désert
Se souvient ou plutôt prophétise
Le Néant d’où vient et où va l’être
On ne se baigne pas deux fois
Dans le même livre
Lisez-le d’un œil humide
Puis d’un œil sec
Puis lisez-le
Il y aura d’autres rives
Il éveillera d’autres sens
Extrait de « Déserts, Déserts »
Espaces Libres — Éditions Albin Michel
■ Jean-Yves Leloup —