Ni sur le plan existentiel ni sur le plan politique, je n'ai choisi d'être une victime.
Les conditions historiques ont fait que les Palestiniens et moi inclus sommes des victimes. Ainsi, je m'efforce d'exprimer la conscience du perdant et de la victime.
C'est cela être un poète troyen : dire qu'il n'y a pas que le récit du vainqueur. Nous n'avons jamais entendu la voix des Troyens, Homère c'est le chant glorieux des Grecs.
Sans doute les Troyens se sont-ils exprimés d'une manière ou d'une autre, mais leur voix s'est à jamais évanouie.
— En tant que poète, je cherche cette voix.
Les faibles se doivent d'apporter la version de l'histoire, il ne faut jamais se contenter de la version des plus forts.
Et de toute façon, la bonne littérature est celle des faibles, des vaincus, de ceux qui souffrent, et c'est une des vertus de la littérature que de nous permettre de faire ressentir la douleur et les blessures et, partant, de nous faire accéder à notre humanité. »
— Mieux vaut être prisonnier que geôlier
On oublie que le geôlier est, d'une certaine manière, lui-même captif : c'est un prisonnier sans horizon, il ne porte aucune mission,
Ce qu'il cherche n'est pas de réaliser sa liberté, mais d'empêcher l'autre d'être libre, il est victime de lui-même.
Le geôlier ne peut pas chanter, car il ignore tout de la mélancolie, il n'a ni regret du ciel ni nostalgie de la mer.
— En revanche, le prisonnier chante,
parce que c'est sa seule façon d'éprouver et de prouver sa propre existence. Et au fond de lui, il se sent plus libre que son geôlier qui n'a pas conscience de sa propre liberté et de sa propre solitude.
La poésie consiste à nous faire don de cette force-là, dût-elle être fictive.
— Journal Libération — 10 mai 2003 —
— Extraits d’un Interview de Rose Sean James
■ Mahmoud Darwich —