05 novembre 2024

Une Vie Plus Haute…

 



Une Vie Plus Haute…



Chez Ceux Qui Sont Les Plus Vivants Et Par Conséquent Les Plus Eux-Mêmes, La Vie Du Corps Est Subordonnée À Une Vie Plus Haute Qui Se Trouve En Eux; Elle S’abandonne Calmement À La Vitalité Beaucoup Plus Abondante D’un Esprit Qui Se Trouve Sur Un Plan Qui Défie L’observation Et Les Mesures. 


Le signe qu'un homme possède véritablement la vie n'est par conséquent pas la turbulence mais la maîtrise; pas l'effervescence mais la lucidité et l'orientation, pas la passion mais la modération qui idéalise toute passion et l'élève jusqu'à l'ivresse lucide du mysticisme.


La maîtrise à laquelle nous faisons allusion ici n'est pas la pression arbitraire et tyrannique exercée par un principe intérieur qu'on pourrait appeler « Surmoi » ou conscience pharisaïque; c'est la coordination harmonieuse des forces de l'homme en vue de réaliser ses possibilités spirituelles les plus profondes. 


Ce n'est pas tant le contrôle exercé par une partie de l'homme sur une autre que l'intégration pacifique de toutes ses facultés dans une réalité parfaite qui est son véritable moi, c'est-à-dire son moi spirituel.


On ne peut donc affirmer qu'un homme est bien vivant que s'il comprend pleinement le véritable sens de sa propre existence, c'est-à-dire s'il prend conscience de l'intelligence, de la liberté et de la spiritualité qui sont en lui.


Mais Pouvons-Nous Vraiment Nous Attendre À Ce Qu’un Homme Arrive À Cette Sorte De Conscience? 


N'est-il pas foncièrement cruel de garder devant ses yeux l'espoir fallacieux de cette « plénitude » de vie et de « compréhension »? 


Certes, s'il ne comprend pas la nature de cette espérance, c'est l'illusion la plus dure et la plus trompeuse, le pire des mirages spirituels qui le tourmenteront dans sa traversée du désert. 


Comment un homme, plongé dans l’agonia, la lutte entre la vie et la mort dans leurs formes spirituelles les plus élémentaires, pourrait-il se laisser bercer par la promesse d'un épanouissement de son être? 


Cet être même, sa réalité même, ne sont que contradictions : des contradictions dissimulées miséricordieusement sous une certaine confusion. 


Si celle-ci se dissipe et qu'il « réalise » parfaitement la nature de son être tourmenté, que verra-t-il, sinon l'absurdité finale de ces contradictions? 


La « Véritable » Signification De L’existence Serait Alors Précisément De N’en Pas Avoir.


En un certain sens, c'est vrai. 


Pour trouver la vie, nous devons mourir à la vie telle que nous la connaissons. 


Le soleil se lève chaque matin et nous y sommes habitués, et parce que nous savons qu'il se lèvera nous en arrivons à agir comme s'il le faisait parce que nous le voulons. Mais s'il ne se levait pas? 


Nos matinées seraient alors « absurdes » ou, pour nous exprimer avec modération, elles ne répondraient pas à notre attente.


Pour trouver la pleine signification de notre existence, nous devons trouver, non celle que nous espérons, mais celle qui nous est révélée par Dieu, celle qui nous vient de la nuit transcendante de Son mystère et du nôtre. 


Nous Ne Connaissons Pas Dieu Et Nous Ne Nous Connaissons Pas.


Comment, dans ces conditions, pouvons-nous imaginer qu'il nous est possible d'établir la voie que nous devons suivre pour découvrir la signification de notre vie? 


Ce n'est pas un soleil qui se lève tous les matins, bien que nous soyons persuadés qu'il le fasse, et que, lorsqu'il ne se lève pas, nous remplaçons sa lumière par une lumière artificielle qui nous est propre, pour ne pas admettre l'absurdité de ce matin-là.


La signification de l'existence n'est donc pas quelque chose que nous découvrons en nous ou dans nos vies. Celle que nous sommes capables de découvrir n'est jamais suffisante. 


La véritable signification doit nous être révélée, « donnée ». Et le fait qu'elle nous est donnée la revêt de tout son sens; car la vie elle-même, finalement, n'a de sens que dans la mesure où elle est donnée.


Tant que nous considérons la vie et l'existence comme des soleils qui se lèveront sûrement tous les matins, nous sommes dans l'angoisse. 


Nous devons apprendre que la vie est une lumière qui se lève quand Dieu la fait jaillir des ténèbres. 


Et il n'y a pas de temps immuable pour cela.



— Un Extrait De « Le Nouvel Homme »

— Traduction De L’américain Par Marie-Tadié




Thomas Merton (1915-1968) —