La baie de Piha vue des hauteurs. | Francisco Anzola via Wikimedia Commons
🌅 Trente Ans De Mystère Sur La « Côte Noire »
🧩 Depuis 1992, six personnes se sont volatilisées dans cette station balnéaire de Nouvelle-Zélande, sans laisser ni corps ni indice. Un nouveau documentaire relance l’affaire : accident, suicide, négligence policière… ou une menace plus sombre encore ?
• La bourgade de Piha, posée sur la côte ouest-néo-zélandaise, est coincée entre les eaux agitées de la mer de Tasman et les épaisses forêts typiques de la région. Mais la station balnéaire n’est pas réputée que pour ses plages de sable noir : depuis trois décennies, six personnes y ont disparu sans laisser de trace. Cette succession de drames fait aujourd’hui l’objet d’un documentaire, Black Coast Vanishings, qui interroge la possibilité d’un lien entre les différentes affaires, rapporte un article du Guardian.
• Tout commence en 2004 avec Iraena Asher, 25 ans, dont la dernière nuit à Piha prend des allures de descente aux enfers. Se sentant en danger lors d’une soirée, elle tente d’obtenir l’aide de la police, qui lui envoie un taxi… à la mauvaise adresse. Recueillie par un couple du village, elle panique, fuit dans la nuit et disparaît à jamais.
• D’autres suivront : Quentin Godwin, 18 ans, en 1992 ; Cherie Vousden, 42 ans, en 2012, puis Kim Bambus, 21 ans, trois ans plus tard ; Guoquan Wu, 22 ans, en 2019 ; enfin, le jeune randonneur français Éloi Rolland, 18 ans, en 2020. Six parcours, aucun corps retrouvé, pas de vêtements ni d’objets personnels abandonnés, le mystère est total.
En 2023, une série documentaire française s’intéressait d’ailleurs à la disparition du jeune Français, le 7 mars 2020, quelques jours à peine avant le confinement total du pays et la crise du Covid.
• Officiellement, aucune de ces disparitions n’a été élucidée. Les conclusions vont du suicide à l’accident, mais l’absence de preuves tangibles alimente toutes les théories. Pour certains, la beauté parfois dangereuse du site serait responsable : noyade en mer, végétation labyrinthique avalant les imprudents — une solution de facilité ? Pourquoi personne n’a jamais été retrouvé, pourquoi aucun indice n’a jamais refait surface ?
• Sorti en 2024, Black Coast Vanishings tente de démêler ce faisceau d’affaires, multipliant les interviews et explorant plusieurs pistes. Les réalisatrices, Candida Beveridge et Megan Jones, interrogent la possibilité d’un lien — crime organisé, prédateur, négligence policière — tout en donnant la parole aux familles encore meurtries des disparus. Au fil des épisodes, un portrait trouble émerge, celui d’un village qui oscille entre solidarité, traumatismes du passé et rumeurs persistantes, sur fond d’histoire locale chargée de drogue et de violences sexuelles, longtemps passées sous silence.
≈ Le dangereux engouement du « true crime »
• Mais la volonté d’expliquer, typique de ce genre de documentaire, a des effets pervers : dans Piha, l’exposition médiatique fait resurgir de vieilles rancunes, et bouscule les paix parfois fragiles. Certains locaux y voient une opportunité de révéler des vérités restées enfouies, d’autres dénoncent une approche sensationnaliste stigmatisant la communauté : non, Piha n’est pas un village au bout du monde rongé par un mal étrange.
• Pour la sociologue Sandra Coney, ce genre de série renvoie une image déformée de la réalité : Piha n’est pas un trou perdu, mais une communauté solidaire, animée par le bénévolat et la convivialité. D’autres, comme le président du club de surf Peter Brown, se posent quand même des questions. Comment peut-on disparaître sans laisser de trace dans un espace aussi surveillé ?
• L’explosion des créations « true crime » pose la question des bénéfices et des risques pour les victimes comme pour la communauté : révéler, exorciser, décortiquer est important ; mais exposer, simplifier et rouvrir les blessures peut parfois causer plus de tort que de bien. Pour certains habitants, la série a permis de pointer des dysfonctionnements policiers jamais reconnus et d’ouvrir le débat sur les suicides, sujet encore tabou en Nouvelle-Zélande. Mais pour d’autres, elle ne fait qu’alimenter la peur et la défiance.
• Comme le dit Pita Turei, artiste et militant local: « Il faut regarder en nous-mêmes, pas accuser le paysage ni inventer des monstres. »
— Source documentaire : Slate France
— Mardi 26 août 2025
■— Clément Poursain —
