08 septembre 2011

Camus Le Journaliste




Albert Camus Se Destinait À L’enseignement, Il Se Présenta Donc En 1937 À L'agrégation De Philosophie Où Il Fut Refusé Pour « raison Médicale », Car À Cette Époque, L’on Ne Savait Pas Encore Comment Guérir La Tuberculose.

A cette même époque se présente à lui une opportunité en la personne de Pascal Pia (1).


– Alger Républicain (1937-1940) –

Pascal Pia doit fonder un nouveau journal "Pas comme les autres", concurrent de l'Echo d'Alger : il s'appellera « Alger Républicain ».
Pia a des idées révolutionnaires sur l'Algérie, qui séduisent le jeune Camus.
Il considérait qu'on ne maintenait pas éternellement un peuple en tutelle sur sa propre terre, qu'à travail égal, le salaire d'un Arabe devait être le même que celui d'un Européen, que l'enfant arabe avait droit à l'école et ses parents aux lois sociales.
La structure du journal étant fort réduite, les employés occupaient tous les postes.
Ainsi, Camus navigue des « faits divers » aux « éditoriaux » en passant par les « critiques littéraires » et « les grands reportages ».
On peut dire qu'Alger Républicain a été son école formatrice au journalisme.
Le métier de reporter lui a inculqué le sens du concret et le dégoût de la formule hermétique.
Les articles de Camus tranchent violemment sur ceux de la presse conformiste algérienne.
Cette différence est notamment visible dans trois affaires qu'il a couvertes :
L'affaire Hodent : Il prouve qu'un commis de ferme est innocent du vol dont l'accuse un richissime colon.
L'affaire El Okby : Il démontre l'innocence d'un musulman inculpé d'assassinat sur ordre des Pouvoirs.
L'affaire de la Marinière : Il s'insurge contre les conditions de transport des forçats français.
Le Gouvernement Général trouve insupportable le style de Camus dans son grand reportage "Enquête en Kabylie", publié en 1939.
« Il est méprisable de dire que le peuple Kabyle s'adapte à la misère. 
Il est méprisable de dire que ce peuple n'a pas les mêmes besoins que nous...
Il est curieux de voir comment les qualités d'un peuple peuvent servir à justifier l'abaissement où on le tient et comment la frugalité proverbiale du paysan Kabyle est appelée à justifier la faim qui le ronge. »
Comme suite à cette série d'articles, une censure est mise en place, elle se traduit par l'exclusion de Camus du journalisme algérois; de plus, il ne pourra plus retrouver de travail à Alger.

– Paris-Soir –

Il fait de nouveau appel à Pascal Pia qui lui trouve un emploi à Paris en 1940.

Pascal Pia

Cette expérience journalistique à Paris-Soir sera brève puisque le quotidien cristallise tout ce que Camus déteste, car Paris-Soir privilégie le sensationnel au détriment de l'information et de l'analyse.
"Sentir à Paris-Soir tout le coeur de Paris et son abject esprit de midinette."

– Combat –

Avant d'être un journal clandestin puis un quotidien parisien, Combat était un mouvement de résistance.
Il semble que Camus soit entré à Combat dès 1942, mais il est difficile d'évaluer sa participation au journal clandestin puisque les articles n'étaient pas signés, ou l'étaient sous des pseudonymes.
Toutefois, on lui en attribue deux avec certitude :
– Un avertissement contre l'inertie, le manque d'engagement.
– Un compte-rendu de l'exécution par les Allemands de 26 hommes en représailles au déraillement d'un train.
Le 24 août 1944 paraît le premier numéro diffusé librement.
De tous les journaux diffusés à cette époque, Combat est le seul qui envisage les lendemains de la bataille; et répudie la violence pour elle-même.

L'éditorialiste Albert Camus entreprend beaucoup de luttes dans les années 1944 et 1945, notamment sur le drame de l’épuration, et la position difficile à adopter vis-à-vis du Parti Communiste.
En toutes choses, il essaie de garder mesure et retenue.
Il est édifiant de remarquer que de tous les quotidiens, Combat est le seul à avoir parlé d'Hiroshima le 8 août 1945 :
"Nous nous résumerons en une phrase : la civilisation mécanique vient de parvenir à son dernier degré de sauvagerie."
De plus, il se fixe pour but d'assainir la presse sur laquelle il aime polémiquer en fustigeant la "futilité des informateurs".
Il préconise une charte de la presse, dont voici un extrait :
"Informer bien au lieu d'informer vite, préciser le sens de chaque nouvelle par un commentaire approprié, instaurer un journalisme critique et en toutes choses, ne pas admettre que la politique l'emporte sur la morale, ni que celle-ci tombe dans le moralisme."
Cette dernière expérience s'inscrit dans la continuité d’Alger Républicain.
Camus considérait son métier de journaliste comme étant aussi noble que celui de romancier ou d'auteur dramatique.

– L'Express –

Il apportera une dernière contribution au journalisme, dans les années 1955 et 1956, à L'Express par nostalgie de l'esprit d'équipe et de l'atmosphère d'urgence des salles de rédaction.

Ainsi, le journalisme lui a permis de puiser dans l'actualité la matière première de ses créations.

 (1) Pascal Pia (1903-1979) Poète, érudit entame sa carrière de journaliste, au quotidien Lyonnais Le Progrès, rédacteur en chef d'Alger Républicain (1938), fonde avec Camus Le Soir Républicain (1939), puis Paris-Soir (1940), et Combat en(1943)

— 8 septembre 2011


▲ Aron O’Raney —