Hikikomori, Ce Mot Japonais Désigne L’État Psychosocial Qui Affecte Surtout L’Homme Vivant En Retrait De La Société Humaine. Cloîtré Le Plus Souvent Chez Lui Pendant Des Mois Ou Des Années, Il Ne Sort Que Pour Satisfaire L’urgence Ou D’impératifs Besoins…
Nous Sommes Pourtant En France, Où Depuis Presque Trois Ans, Jean Ne Sort pratiquement Plus De Sa Tanière.
Même si le phénomène est marginal en France, il ne concerne maintenant pas que le Japon. Jean s’est senti soulagé le jour où il a pu mettre un mot sur l’étrange mal être qui l’habite. Cela fait presque trois ans qu’il ne sort plus de chez lui. Oisif, il passe ses jours à dormir, regarder la télévision ou explorer Internet.
Il ne s'explique pas comment il en est arrivé là. Ni fou, ni haineux, il dit ne plus vouloir lutter pour avoir sa place dans la société. Depuis qu’il sait que son état le range comme d'autres reclus, dans la catégorie "Hikikomori" il se sent un peu soulagé de la culpabilité.
Au Japon Être Hikikomori, Signifie S’isoler De La Société
Le phénomène «Hikikomori» s’est répandu au pays du soleil levant à partir de l’an 1990 et la situation prend désormais une tournure préoccupante.
Dans les années 1990, ce phénomène concernait surtout des adolescents ou de jeunes adultes. Vingt ans après, les populations touchées, sont toujours celles vieillissantes des années 1990.
En 2016, dans la tranche d’âge de 15 à 39 ans le gouvernement japonais a dénombré 540 000 hikikomori, et si l’on tient compte des aînés, ils seraient aujourd’hui plus d’un million.
Plus d’un tiers d’entre eux sont dans cette situation depuis au moins sept ans.
Une autre étude des autorités publiée le 29 mars 2019, porte sur les individus âgés de 40 à 59 ans, elle relève 613 000 hikikomori pour la tranche d’âge de 40 à 64 ans.
Le Phénomène N'est Pas Limité Au Japon Et Des Cas Ont Également Été Recensés À Oman, En Espagne, En Italie, En Corée Du Sud Et En France.
Rester enfermé chez soi six mois, sans se rendre à l'école ou au travail, n'avoir pour contact que ses relations familiales, c’est être un Hikikomori. Ce retrait volontaire est peu ou mal compris, d’autant qu’on trouve parmi les hikikomori des personnes qui ont a priori tout ce qu’il faut pour réussir, et donc aucune raison de l’être.
Cinq Cent Quarante Mille Personnes Isolées En 2016 Au Japon
Le constat est alarmant. Selon l’étude réalisée en 2016, plus d’un tiers des personnes interrogées disaient vivre en retrait de la société depuis plus de sept ans, alors qu’elles n’étaient qu’environ 17% en 2009.
« Ils Ont Été Meurtris »
La plupart des sondés témoignent de relations difficiles pendant la période scolaire ou professionnelle. "Ce que l'on sait, c'est qu'ils ont été meurtris, déclare une psychologue clinicienne, «Ils ont subi des brimades ou ont eu des problèmes relationnels au travail".
Cependant, de nombreux "hikikomori" résident chez leurs parents. Cela n’améliore pourtant pas nécessairement la situation, bien au contraire. Les parents peuvent se retrouver dans une situation économique et émotionnelle difficile, qui les incite à leur tour à l’isolement.
Les familles de «hikikomori» ressentent une grande honte, Elles cachent leur situation et s'isolent, «Monsieur Ikeida sort de chez lui tous les trois jours uniquement pour s'acheter de quoi se nourrir».
« Nous Ne Sommes Pas Fous »
Comment remédier à la situation ? Une équation loin d’être simple en raison des nombreux facteurs à prendre en compte. Les experts déplorent la rigidité de la société japonaise et une déficience du système éducatif. Le gouvernement tente de juguler ce phénomène inquiétant. Il y affecte depuis 2010 un budget spécial c’est ainsi que pour l’année 2018, le ministre de la Santé a demandé 2,53 milliards de yens soit 20 millions d'euros de crédits.
Actuellement, M. Ikeida subsiste grâce aux aides sociales et au petit revenu que lui procure son blog. Il désire ardemment se rétablir, car sa plus grande peur est de mourir seul dans sa chambre, «Je ne veux pas mourir ainsi, et que l’on me retrouve décomposé.»
Dans un archipel vieillissant et en manque d’enfants, ce phénomène risque de s’accentuer. Au Japon, il porte un nom : "kodokushi". "Peut-être devrais-je demander davantage de visites des services de santé ? Mais en même temps je n'en veux pas...". "C'est un sentiment tellement contradictoire", confie-t-il.
▲ Aron O’Raney —