Il y a 40 ans, l’Inde connaissait l’une des pires catastrophes industrielles de l’histoire à Bhopal
Dans la nuit du 2 au 3 décembre 1984, une fuite de gaz toxique s’échappe de l’usine de pesticides du groupe américain Union Carbide et tue entre 3.000 et 4.000 personnes. Un nuage toxique causera le décès de plusieurs dizaines de milliers de personnes les jours qui suivent.
« La capitale du Madhya Pradesh ressemble à une ville morte, à une cité ravagée par un cyclone ou secouée par un tremblement de terre, avec une différence : ici, le béton est intact, les maisons droites, sans fissures ni lézardes autres que celles du vieillissement.
C’est la vie biologique qui a été atteinte, et détruite (…) Devant les deux hôpitaux de la ville, des rangées de cadavres à demi recouverts d‘un linge blanc », écrit le jeudi 6 décembre 1984 l’envoyée spéciale du Figaro à Bhopal, dans le centre de l’Inde.
Trois jours plus tôt, dans la nuit du 2 au 3 décembre, une fuite de gaz est survenue dans une l’usine de pesticides de l’Union Carbide India Limited (Ucil), la filiale indienne du géant chimique américain Union Carbide. Quarante tonnes d’isocyanate de méthyle, un liquide toxique, sont libérées dans l’air au-dessus de la ville. Entre 3.000 et 4.000 personnes, essentiellement des habitants des quartiers défavorisés de Bhopal, périssent immédiatement.
⁙ Un bilan de 30.000 morts
Dans la semaine qui a suivi, le nuage toxique a tué entre 15.000 et 20.000 résidents de plus. Au total, environ 30.000 personnes sont mortes dans ce qui est considéré comme l’une des plus importantes catastrophes industrielles et écologiques.
Selon le gouvernement indien, au moins 100.000 personnes vivant près du site ont été victimes de maladies chroniques, notamment de problèmes rénaux, respiratoires ou de cancers. Un chiffre considéré comme largement sous-évalué par de nombreuses associations - certaines parlent de plus de 300.000 malades.
Dans la nuit du 2 au 3 décembre 1984, entre 3.000 et 4.000 personnes, essentiellement des habitants des quartiers défavorisés de Bhopal, ont péri après une fuite de gaz Sevin, un pesticide efficace et mortel. Bedi/AFP
Construite en 1969, cette usine était considérée comme un symbole de l’industrialisation en Inde, générant des milliers d’emplois pour les populations pauvres et, en même temps, fabriquant des pesticides bon marché pour des millions d’agriculteurs. À cette époque, le gouvernement voulait encourager la production agricole et éradiquer la malnutrition. L’accident aurait-il pu être évité ? Entre 1982 et 1983, les autorités ont ignoré plusieurs incidents prémonitoires, dont trois fuites de gaz.
En 1989, la Cour suprême indienne condamne Union Carbide à 470 millions de dollars d’amende. Sous la pression des victimes, les autorités déposent une requête devant la justice indienne en 2010. Elles demandent 1,2 milliard de dollars. Mais la procédure traîne, engluée dans les recours déposés par Dow Chemical, propriétaire d’Union Carbide depuis 2001.
La même année, huit anciens dirigeants indiens de l’Ucil ont été jugés coupables de « négligence ayant entraîné la mort » par un tribunal indien.
— Le Figaro International
— Lundi 2 décembre 2024
■ Victor Mérat —