16 décembre 2025

≡ Réflexions Sur La Mort


🍂 Ce qui rend la mort impensable, c’est que la pensée est toujours en mouvement. 



Pour pouvoir réellement penser à sa propre mort, il faudrait pouvoir fixer son attention entière sur elle, faire en sorte de n’avoir que cet objet à l’esprit, pour plusieurs minutes ou plusieurs heures. 



Mais ce qui se passe en nous concrètement, lorsque nous essayons de le faire, c’est que nous contemplons quelques instants ce seuil qui donne sur une béance, un irréversible inéluctable, cet événement qui est pour nous impossible en cela que tous les autres événements de notre vie iront se contracter et s’abolir en lui — et puis notre pensée recommence à vagabonder, nous imaginons les proches rassemblés autour de notre cercueil, la manière dont réagiront nos enfants.



Nous songeons aux dispositions à prendre, à des problèmes pratiques, encadrés par des conventions sociales rassurantes, comme le don d’organes, le testament, la cérémonie, les droits de succession. Ou bien nous méditons sur ce que nous laisserons derrière nous, sur nos traces, notre sillage. 



Dans la mémoire et dans le cœur, de combien de personnes survivrons-nous réellement ? 


On croyait engager une réflexion profonde sur la mort, mais voici que nous nous mettons à tournoyer, à danser autour. 



Comme nous sommes vivants, la mort nous est trop contradictoire pour que nous puissions vraiment l’accueillir en notre conscience, fluctuante, inconséquente.



Peut-être y a-t-il malgré tout un indice, qui nous est donné par la vue des cadavres. Lorsque s’est retirée la vie, le visage humain devient stupéfiant d’immobilité. Les traits sont toujours là, l’expression elle-même se laisse lire comme sereine ou crispée, mais il n’y a plus personne derrière. 


Alors, on se dit que mourir, c’est devenir un simple objet du monde, rejoindre la longue liste des choses inanimées. Un cadavre cependant, comme l’idée de la mort elle-même, ne se contemple que de l’extérieur. On ne peut pas, subjectivement, habiter le cadavre, ce serait une antilogie.Pas plus qu’on ne peut vivre sa mort, on ne saurait donc la penser jusqu’au bout. Et jusqu’au bout, elle nous échappera. 



Moi qui ne suis pas religieux, j’ai l’intime conviction que rien ne nous attend après, que nous n’existerons pas davantage après le trépas qu’avant notre naissance. Mais, en fait, il est inexact de présenter les choses ainsi. Le néant d’après n’est pas tout à fait la même chose que le néant d’avant. 



Car, entre les deux, nous avons vécu. Aucune force dans l’Univers ne pourra jamais effacer ce simple fait que nous avons été vivants. En ce sens, la mort elle-même ne peut pas nous enlever la vie.




— Source Documentaire : Philosophie Magazine




— Alexandre Lacroix —